Anat Zanger, Faye Corthésy

Exil et retour : de Lionel Rogosin à Anat Even

Le film de Lionel Rogosin Arab-Israeli Dialogue (E.-U., 1973) décrit la tentative de Rashid Hussein, un poète palestinien en exil, et Amos Keinan, un dramaturge et journaliste israélien, d’engager un dialogue sur le sujet d’Israël, les droits des Palestiniens et des Israéliens à la terre et le futur des deux nations. La première séquence, cependant, présente un décalage entre les bandes audio et visuelles, qui semble indiquer une tension entre lieu et sujet. Alors que sur la bande-son, deux hommes se disputent dans un débat houleux, s’accusant, s’offusquant, et se réconciliant en hébreu et en anglais, la bande visuelle expose des images de la terre. Des paysages sont filmés à travers des couleurs monochromes, sans présence humaine visible : les contours du rivage, les montagnes, la Galilée, la mer Morte, les montagnes de Judée – des scènes primitives du pays (fig. 1-2). Ce n’est que dans la séquence suivante, après le générique d’ouverture, qu’apparaissent les personnages qui parlent (fig. 3). Dès le début, Rogosin souligne ainsi les coordonnées entre lesquelles le film va se dérouler, qui concerne le rapport d’affinité entre lieu et sujet. Dans ce film, il met en avant le paysage d’un lieu qui existe en dehors des mots que chacun des sujets utilise pour s’y référer.

Dans ses thèses « sur le concept d’histoire », Walter Benjamin souligne l’importance de la « lisibilité » historique des images1. L’histoire, selon Benjamin, est un texte dans lequel le passé a imprimé ses images, comme sur une surface photochimique sensible à la lumière, et seul le futur peut produire des « révélateurs » assez puissants pour générer l’apparence de ces images dans leur intégralité. La connaissance historique ne peut partir que d’un « maintenant », d’où émerge un fragment de mémoire et de lisibilité qui apparaît comme un point critique, un symptôme, ou un malaise dans une tradition qui jusque-là présentait le passé à travers une image plus ou moins reconnaissable2. En outre, la reconnaissance d’un moment du passé ne signifie pas voir celui-ci « tel qu’il a été », mais exigerait plutôt de « retenir l’image du passé qui s’offre inopinément au sujet historique à l’instant du danger »3, en ce que ce moment a la capacité d’illuminer ce qui aurait pu permettre de changer le cours de l’histoire. Inversement, Benjamin soutient qu’un retour au passé du point de vue du présent est chargé d’un potentiel utopique, qui maintient l’espoir du surgissement du nouveau.

Ainsi, quand Rogosin s’entretient à nouveau avec Keinan et le filme en 1990 à propos du conflit israélo-arabe(palestinien) et de l’égalité des droits pour chacun des peuples, il mobilise les mêmes moyens qu’auparavant : le regard de/à la caméra ; la terre dont il est question, mais qui n’apparaît pas à l’écran ; Keinan, interviewé à New York dans une chambre d’hôtel, tandis que son interlocuteur Hussein n’est plus en vie4 (fig. 4). La caméra de Rogosin cherche à s’inscrire dans le passé, en 1973, et à marquer celui-ci comme un « instant de danger » : le moment, peut-être, où les choses auraient pu changer, avant d’atteindre un point de non-retour. La courte « séquelle » de 1990 suggère donc une constellation dans laquelle le présent illumine le passé, en permettant un retour au moment historique du tournage de 1973 (l’année de la guerre du Kippour entre Israël et ses Etats arabes voisins) et en proposant une lecture critique de celui-ci.

Selon Timothy Corrigan, « les films d’essai » représentent un processus qui peut être décrit comme une oscillation entre la position de coupe longitudinale du « film de famille » (« home movie ») et les activités latérales du documentaire ; entre la connaissance rendue accessible par le biais d’une subjectivité active et la connaissance acquise par une expérience publique, à travers une sorte de « processus de formation à l’apprentissage » (« apprenticeship learning process »)5. Dans son œuvre cinématographique pionnière, Lionel Rogosin a amplement traité du problème de l’égalité des droits. Arab-Israeli Dialogue, à cet égard, s’inscrit dans la continuation de son intérêt pour la résolution de conflits, pour les minorités et les droits humains6. Utilisant l’esthétique du « film de famille » pour Arab-Israeli Dialogues (1973 et 1990) et la fusionnant avec son propre point de vue subjectif, Rogosin parvient à utiliser sa caméra comme un outil qui intervient activement dans le monde réel. Dans ses écrits, le cinéaste a révélé son ambition de réaliser un film sur l’histoire du sémitisme, pour lequel il n’a toutefois jamais réussi à obtenir de soutien financier7. L’idée de filmer ce « dialogue » lui est venue à l’esprit après un dîner avec deux amis, Hussein et Keinan, à New York8. Ainsi que l’ont observé quelques intellectuels et journalistes, ce film est le premier à documenter une discussion entre un Palestinien et un Israélien9.

Dans cet article, j’aborde la politique et l’esthétique du « retour » à une scène antérieure, et je compare le film de Rogosin avec trois autres gestes cinématographiques qui offrent des regards critiques sur le passé à travers le présent : Description of a Memory de Dan Geva (Isr., 2005), qui propose une relecture de Description d’un combat de Chris Marker (Fr./Isr., 1960) ; Fragments : Jerusalem de Ron Havilio (Isr., 1996), dans lequel le réalisateur revient à Jérusalem et examine la ville par rapport au présent, à travers divers événements de son passé ; et Mikdamot d’Anat Even (Prémices, Isr., 2005), basé sur un roman S. Yizhar. Chacun des films traite du lieu israélien/palestinien et se caractérise par un retour : que ce soit un retour à un même endroit à travers une distance temporelle, ou un retour au souvenir d’un lieu par le biais d’un film qui s’y réfère. Suivant Benjamin, nous pouvons dire que l’image dialectique entre « jadis » et « maintenant » crée un montage dont la portée est critique.

Alors que le film de Dan Geva confronte le regard du « natif » au regard extérieur du cinéaste Chris Marker – le touriste, visiteur de passage –, les films de Ron Havilio et d’Anat Even construisent un regard intime qui maintient la relation ambivalente entre le regard porté de l’intérieur et celui qui est imposé du dehors. Le film de Rogosin est unique car il englobe deux regards internes différents au sein de son propre regard externe, tandis que la terre elle-même semble demeurer indifférente à la discussion territoriale. Comme je le montrerai, le retour au lieu et le « souvenir du lieu » font écho aux notions de « grand » et « petit lieu » proposées par les anthropologues Zali Gurevitch et Gideon Aran10.

Keinan et Hussein entre le « grand » et le « petit lieu »

Les films examinés ici exposent une tension entre la Terre d’Israël considérée comme un site utopique de désir et de passion et le lieu réel et quotidien, lourd de conflits et de discordes. Tous tentent de situer « l’instant du danger » en opérant un passage du passé au présent. Dans le film de Rogosin, comme mentionné précédemment, le « lieu » existe séparément des intervenants dans le film. Lors de l’ouverture du film, et plus longuement par la suite, le « lieu » est inscrit dans l’espace sonore à travers les dialogues, tandis que l’espace visuel se concentre sur les deux orateurs, l’Israélien et le Palestinien, à New York. Ceux-ci sont assis sur des coussins, à côté d’une table basse, et des carreaux de céramique à l’arrière-plan renvoient à une ornementation orientale (fig. 3). Le dialogue est filmé en noir et blanc, et incorpore des plans en couleurs d’Israël. En tant que tel, l’objet du film semble être la Terre d’Israël ; or, les paysages ne sont représentés que rarement11. Ainsi, Israël est construit comme un lieu de l’imaginaire et de la mémoire dans l’esprit du spectateur. Hussein déclare qu’il n’est pas autorisé à visiter sa patrie, le village où il est né et où vivent sa famille et ses amis. Keinan répond qu’Hussein a d’autres options (les Etats arabes) tandis qu’Israël est le seul lieu que les nations du monde ont désigné pour le peuple juif après l’Holocauste. Mais quel est ce « lieu » ? En quoi diffère-t-il de l’espace et qu’est-ce qu’un « lieu cinématographique » ?

Espace et lieu sont des termes porteurs d’une longue histoire. Suivant la proposition de Michel de Certeau, je souhaite souligner la singularité du « lieu » dans la pensée juive et israélienne. Le lieu, selon l’intellectuel français, est l’emplacement tel que positionné sur les cartes et les plans. L’espace, de l’autre côté, est un emplacement significatif constitué par la pratique ou, comme le formule de Certeau, « l’espace est un lieu pratiqué »12. Il y a toutefois une dialectique unique entre le « lieu israélien », qui fonctionne comme un signifiant déplacé dans la culture juive et israélienne, et l’absence historique d’un « lieu pratiqué ». Cette interaction spécifique est présente dans le dialogue entre Hussein et Keinan, et est inscrite dans l’espace cinématographique israélien et juif.

Une anomalie territoriale a caractérisé le lien entre le peuple juif et la Terre d’Israël. Pendant près de deux mille ans d’exil juif, le concept de « Terre d’Israël » a fonctionné comme un signifiant déplacé, séparé de son référent. Un territoire imaginaire, qui a servi d’objet de désir, a par conséquent été élaboré. Dans leur analyse du lien entre le peuple d’Israël et sa terre, les anthropologues Daniel et Jonathan Boyarin ont discerné dans les pratiques de divers groupements juifs au sein de la diaspora les éléments qui ont produit, dans des terres lointaines, un discours territorial. Ils remarquent que le transfert de loyauté du lieu lui-même au « souvenir du lieu » a constitué une étape cruciale dans un processus qui tend à accepter et surmonter la perte de la terre13. Comme nous le verrons, le souvenir du lieu est également un composant important pour la construction de la réalité quotidienne et sa représentation au cinéma.

Dans la pensée juive moderne, on trouve d’une part la position pragmatique appelant à un retour à la terre concrète, « une renaissance sur le sol d’Israël »14, et d’autre part la perception qui définit le judaïsme comme une spiritualité indépendante de la terre et du territoire. C’est ce détachement qui rend possible l’affinité du peuple juif avec le concept d’éternité15. Cette ambiguïté est la force motrice qui sous-tend les relations entre les peuples juif, palestinien et la terre jusqu’à aujourd’hui.

Pour comprendre la spécificité de la relation des peuples israéliens et palestiniens à l’espace et au lieu telle qu’elle est décrite dans ces films, un autre terme doit être employé : celui de territoire. Celui-ci implique la question de la propriété, ou, pour le dire autrement, pose la question : « à qui appartient la terre ? ». Dans un « brouillon » conservé dans ses archives, Rogosin remarque à ce sujet : « [L]es Arabes ont échoué à reconnaître le terrible besoin de survie des Juifs au xxe siècle et leur incapacité à trouver un autre lieu en dehors d’Israël […], mais, de l’autre côté, les Juifs n’ont pas payé leur dette envers les Arabes en tant qu’occupants non invités »16.

La question du territoire est liée au sionisme politique depuis sa fondation comme objectif national, au même moment où l’autonomie territoriale a été proposée comme solution aux problèmes du peuple juif. Si l’organisation spatiale comme force sociale a une signification universelle, comme l’a souligné Michel Foucault17, le problème du territoire en tant qu’espace désigné revêt un sens particulier pour la nation juive. Ainsi que l’explique le philosophe Edward S. Casey, « les territoires se distinguent des lieux et des régions par le fait qu’ils ne sont jamais simplement donnés ou trouvés, mais construits. Ils nécessitent des actes d’institution et de consolidation spécifiques, parmi lesquels le plus crucial est la mise en place de frontières déterminées qui apportent une définition et une identité aux êtres vivants entourés par celles-ci »18. Le philosophe français Henri Lefebvre souligne cette distinction, en notant que pour créer un territoire national, « l’Etat se retourne vers ses propres conditions historiques et antécédentes ; il les transforme. A son tour, il engendre des rapports sociaux dans l’espace ; il va plus loin lorsqu’il se déploie ; il produit un support, un espace, le sien, lui-même complexe, régulateur et ordonnateur de l’espace national qui tend à éclater, au sein de l’espace mondial qui tend à s’établir »19.

La nécessité d’élaborer une réflexion sur les concepts d’espace et de lieu trouve son origine dans l’histoire du peuple juif. Dans leur étude fondatrice, Gurevitch et Aran utilisent la dialectique traditionnelle entre espace et lieu, tout en s’attachant à distinguer des perceptions ambivalentes du lieu. Ils caractérisent le sentiment local d’appartenance (maison, rue, amis, paysage d’enfance, langue maternelle) comme le « petit lieu », et définissent le sentiment d’appartenance au-delà de ces éléments – au niveau du « pays » – comme une idée, le « grand lieu ». Dans la dialectique entre Israël comme « petit lieu » et Israël comme « grand lieu », les auteurs identifient trois différences spécifiques, dont l’origine remonte aux premiers jours du judaïsme, dans la Genèse :

1) l’« israélité » est souvent interprétée dans son caractère local (réussir à créer un lieu où ses habitants sont nés, qui possèdent ainsi une identité locale complète, contrairement à l’alternative de la diaspora), bien qu’en fait il n’y ait pas d’association unilatérale et considérée comme acquise entre les Israéliens et leur pays : les pensées et croyances de ceux-ci ne sont pas interchangeables avec le pays ;

2) le dilemme lié au lieu est unique dans son lien particulier avec ses résidents : les natifs, qui considèrent que le pays est le leur, un lieu où ils sont chez eux dans le monde. En anthropologie, les natifs sont toujours à leur place, et y demeurent – du berceau, à la maison, à la tombe ; le lieu est une extension de leur corps. Il y a un lien naturel entre le lieu, dans un sens matériel, et le résultat de processus de significations : le langage, la mémoire, et les croyances. Contrairement à ce qui vaut pour le natif, pour qui le lieu dicte la pensée, dans le judaïsme la pensée dicte le lieu. On en trouve l’expression dans la Bible et plus tard dans des textes sionistes, où s’opère une fracture entre les deux perceptions du lieu. Le « grand lieu » n’est pas la continuation et l’élargissement du « petit » (il n’y a pas d’ordre ascendant du foyer au quartier, à la ville), mais opère une transition entre la réalité contemporaine matérielle et une idée. Le « grand lieu » est plus qu’un site spécifique parmi d’autres ; il s’agit de l’idée elle-même, qui précède le lieu – « la Terre ». De cette tension résulte une distance intérieure entre les Israéliens et la terre : la préséance de l’idée implique une non-identification entre le lieu et l’idée. C’est ici la fondation dialectique de la philosophie juive du lieu – la source de l’ambivalence constante qui exclut une perception du lieu comme un donné ; et

3) la nature ambigüe de la terre se reflète à différentes périodes de façon variée, selon les circonstances. La terre a parfois été objet de croyance et d’enthousiasme. Durant la période sioniste, ceci s’est traduit par une attitude idéologique et érotique vis-à-vis de la terre : y immigrer, la travailler, la « conquérir » par la randonnée, la guerre ou la colonisation – des actes fondés sur une ascension, qui conduit non seulement de la diaspora au pays, mais aussi du « petit » au « grand lieu ». Dans les moments difficiles, on discerne toutefois un désir de « descendre » et d’abandonner le pays, non seulement le « petit lieu », mais aussi l’idée du « grand lieu ». Les Israéliens ne se sont pas encore débarrassés de l’idée du Juif errant, et l’émigration reste une option. En ce sens, il est possible de comprendre la position de Keinan, dans le film de Rogosin, qui reconnaît les droits des Palestiniens à combattre pour leur terre. Pour Hussein, en tant que réfugié, la terre est devenue « le souvenir d’un lieu ».

Le regard intime en premier lieu

Dans Mikdamot, la réalisatrice Anat Even enregistre le célèbre auteur israélien S. Yizhar (Yizhar Smilansky) lisant son autobiographie du même titre20. Alors que la voix d’Yizhar court sur la bande-son, la bande-image passe de l’auteur lisant, au public dans un auditoire, à des séquences projetées montrant le paysage d’Israël (fig. 7). La spectatrice voit d’une part les paysages grands ouverts du passé que Yizhar aborde dans son livre, présentés dans des couleurs monochromes, à côté d’images d’archives de la période pré-étatique ; et d’autre part, des ruines et des espaces urbains encombrés dans l’Israël d’aujourd’hui. Ainsi, des images de colons travaillant dans les champs de l’Israël pré-étatique sont juxtaposées à des images récentes d’ouvriers étrangers posant du gazon synthétique.

Oscillant entre passé et présent, le film d’Even construit un contraste entre l’ancien et le nouveau, la vision des pionniers et la réalité contemporaine. Il en résulte un récit autobiographique sur le lieu, celui d’Yizhar et le nôtre – le lieu tel que le peuple juif israélien le désirait, et celui qu’il est devenu. Le film (et le livre) commence(nt) avec Yizhar, dans sa neuvième décennie, cherchant à retrouver le premier lieu qu’il a connu quand il était nourrisson. Définir son « lieu premier » implique une couleur, une atmosphère, l’odeur de sa mère : « Mais où était ce premier lieu ? Le tout premier ? Car le premier endroit, sans aucun doute, était de couleur orange, entièrement orange, vraiment orange, très orange, d’un orange parfait. »21 C’est la couleur du soleil, du désert, des rabats des tentes sous le soleil brûlant, et des oranges, qui finira par devenir emblématique d’Israël.

Plus loin, Yizhar se concentre sur un événement significatif dans l’expérience des premiers colons et de la vie de sa famille, quand des guêpes ont piqué le bébé qui avait été placé à l’ombre d’un arbre pendant que son père labourait un champ. A travers un discours intriqué, le narrateur décrit les efforts du père pour amener son fils chez un médecin, loin du village, en même temps que le flux de conscience de ses pensées. Criant contre les mules qui tirent le char, il regarde son fils bercé dans les bras de sa mère, respirant toujours, mais écarlate et enflé, et se demande pourquoi les guêpes l’ont attaqué : « Que leur avait-il fait ? ». Une pensée le frappe ensuite, suscitant un doute sur le lien entre le lieu et ses nouveaux colons :

« Et que croyais-tu ? C’est comme si tu comprenais subitement que c’était une erreur fondamentale, que cette terre ne veut absolument pas de nous, en aucun cas. Car nous sommes venus et nous l’avons transformée, ce dont elle ne voulait pas. Elle ne veut aucune forêt Herzl. Elle ne veut aucun verger sur la colline de sable argileux […mais] qu’on laisse ainsi [le stipa et la centaurée], et réellement c’est la beauté que nous avons été incapables de comprendre : ce qui a été créé ici en mille ans et peut-être deux mille ans est plus sage, plus approprié, plus authentique et plus beau aussi que tout ce que pouvaient inventer ces esprits impatients venus tout bouleverser ici […] [L]a sagesse d’une brève journée saura comment détruire l’intelligence de mille longues années de labeur, et même la plaine qui s’étend en arrière doit rester grande et vide, sans rien sur elle, et presque sans poussière, rien qu’elle seule, géante, ouverte et vide, sans rien sur elle, ni arbre, ni ombre, ni route, peut-être seulement quelques troupeaux de moutons ici et de chèvres là, disséminés sans qu’on s’en aperçoive et qui sont absorbés dans son parfait infini, ou peut-être quelque village arabe aux maisons basses, qui ne la modifie en rien, et ne l’oblige à aucun changement. »22

Le portrait dressé par Yizhar formule la relation entre les nouveaux colons et le lieu, la tentative de domestiquer l’espace et de le transformer en foyer23. Pas à pas, sa description propose une métonymie de la mission sioniste de colonisation de la terre, sa complexité inhérente et le rapport ambivalent entre la terre et ceux qui l’habitent24. C’est en ce sens que le titre du film et du livre – « prémices » – peut être compris comme signifiant une promesse de paiement dû à l’avance. Représenté à l’intérieur du cadre filmique, le souvenir du lieu est généré à travers plusieurs strates qui maintiennent leur relation d’affinité réciproque : d’abord, le souvenir du lieu d’Yizhar, qui est constitué simultanément par l’homme adulte aux cheveux blancs, portant des lunettes et lisant debout, et le nourrisson qu’il était autrefois, décrit dans le texte ; deuxièmement, le souvenir du lieu tel que capturé par le médium filmique dont le matériau – les images et les sons – se dissipe dès qu’il est projeté ; et troisièmement, le souvenir du lieu tel que créé par le spectateur-sujet : les informations fournies tant par les bandes-images que sonores génèrent une tension entre les images de la terre d’Israël dans la période pré-étatique et aujourd’hui. Dans le film, le sens et l’importance du lieu sont activés par l’acte du retour en arrière, entre les temporalités, les paysages et les sujets.

Le regard intertextuel : « Vous êtes venu, vous avez filmé, et vous êtes parti. Nous sommes restés. »

Le mouvement entre passé et présent sert aussi de dispositif d’observation du lieu et de sa mémoire dans le film de Dan Geva Description of a Memory, repartant de l’essai visuel poétique du réalisateur français Chris Marker, Description d’un combat (1960)25. Le film de Marker, qui emprunte son titre à une nouvelle de Franz Kafka, a été réalisé quand l’Etat d’Israël n’avait que douze ans. Il s’ouvre sur une série d’images fixes et se termine par un plan sur une fille, du même âge environ que l’Etat, dessinant dans un cours d’arts visuels. Comme le note Régine-Michal Friedman, « l’image finale du film montre une adolescente sérieuse et gracieuse, absorbée par le dessin qu’elle a terminé, et qui, selon la formulation souvent citée de Marker, ‹ ne sera jamais Anne Frank › »26. Quarante-huit ans plus tard (en 2008), quand l’Etat d’Israël a soixante ans, nous retrouvons cette « fille », devenue une femme, dans le film de Dan Geva. La jeune fille qui était le « portrait d’une jeune nation » dans le film de Marker, peint maintenant des maisons dans une banlieue de Londres (fig. 8).

Le film de Geva utilise des images et des extraits de dialogues du film de Marker pour construire avec eux un échange. La voix de Geva s’adresse au réalisateur français : « Vous êtes venu, vous avez filmé, et vous êtes parti. Nous sommes restés. » Le film de Marker enregistre l’espace et les événements, en les interprétant comme des « signes ». Par cet acte, il souligne la tension entre les vues présentées et leur perception cinématographique : le kibboutz ; les plages immaculées d’Eilat ; un jeune garçon religieux dans le quartier de Méa Shéarim, à Jérusalem ; un garçon arabe, Ali, conduisant son chariot de livraison à Haïfa ; la jeune fille à sa leçon d’art visuel – les événements et les personnages se distinguent comme faisant partie d’un monde historique et social, et Dan Geva les utilise, presque cinquante ans plus tard, comme un intertexte ciné-philosophique. En suivant cette voie, il examine des « détails insignifiants », et, à travers eux, l’image de l’Israël contemporaine, subjuguée entre passé et présent, entre un souvenir cinématographique et un autre.

Le regard panoramique et pédestre : fragments d’un lieu

Dans son essai filmique Fragments : Jerusalem, Ron Havilio utilise le médium cinématographique pour entraîner la spectatrice dans un voyage à travers une géographie symbolique, qui se révèle au fur et à mesure de l’avancée du propre voyage du réalisateur dans Jérusalem. Le film de six heures est construit en sept chapitres, qui forment une structure en étoile, avec Jérusalem en son centre et sept trajets partant de la ville et y revenant. Dans une riche mosaïque de sons et d’images, Havilio passe de son héritage familial à travers les générations à l’histoire de Jérusalem – l’un et l’autre étant souvent entrelacés. Il regarde Jérusalem à travers le filtre des chroniques de sa famille, et sa famille par le biais des rues et des sites de la ville. La voix du réalisateur établit un pont entre présent et passé, tandis que la caméra documente la ville sur une dizaine d’années, entremêlant, et parfois confrontant, des images d’albums et de films de famille avec des documents d’archives comme des lettres ou des photographies (de Félix Bonfils, ou Werner Braun, entre autres), des journaux de voyage (de François-René de Chateaubriand, Gustave Flaubert, etc.), des films (des frères Lumière, de David Perlov , etc.), des journaux, des croquis et des gravures.

Dans son film, Havilio trace ainsi une voie à travers de nombreuses images du passé de Jérusalem, à partir de témoignages et de journaux, de photographies et de journaux de voyage, qu’il place face à la dure réalité de la vie quotidienne contemporaine dans la ville. Le flot de signifiants s’inscrit dans le présent, comme partie de l’espace cinématographique « pratiqué » (un terme emprunté à Henri Lefebvre27) à la fois par les personnages et par ceux qui les regardent. L’espace filmique urbain de Jérusalem repose sur les vestiges d’une myriade d’images qui ont participé à la construction d’une Jérusalem symbolique, durant ses trois millénaires d’existence. Le retour à la ville, toutefois, nécessitait une confrontation avec la réalité28.

Cette tension entre image et réalité est réinscrite dans le film d’Havilio à plusieurs niveaux : premièrement, par les journaux intimes et les descriptions des pèlerins vers la vieille ville de Jérusalem, qui « sommeille entre ses ruines » dans les photographies et les peintures qui montrent la ville délaissée ; deuxièmement, par les chroniques des membres de sa famille, à la fois du côté maternel et paternel, qui ont immigré à Jérusalem et y ont vécu pendant de nombreuses années, et ont ainsi éprouvé la nostalgie de la ville et ses difficultés ; troisièmement, dans le présent de l’énonciation du film, à travers le conflit en cours entre Palestiniens et Israéliens et la destruction de l’espace urbain familier, tel que le quartier de Mamilla, au nom du progrès. Dans ce contexte, Havilio cite le photographe français du xixe siècle Félix Bonfils, qui, dans l’introduction à l’un de ses albums photographiques, disserte sur l’idée de progrès qui conduit à la destruction de certains bâtiments, tandis que d’autres sont érigés à leur place : « Il n’y a pas de pays qui a été plus ruiné par la guerre », dit-il d’Israël, « et il n’y a pas de terre qui a été sujette à plus de changements de lois, et, pourtant, la beauté antique et le cachet unique de celle-ci ont été préservés ». Malgré tout, d’après Bonfils, nous devons accepter le progrès. Havilio introduit ce discours tandis que les images critiquent ironiquement ce « progrès » : de manière symbolique, une image de la tour de guet grecque apparaît au début du chapitre décrivant la porte de Jaffa et la vieille ville sous la domination ottomane, et qui se termine par sa destruction par les Anglais.

Havilio fait de cette tension entre le souvenir et le désir du lieu un motif central de son film. Dans le premier chapitre déjà, le réalisateur tente de situer le point de jonction où le « signifiant imaginaire » qu’était Jérusalem pour lui rejoint l’espace réel de la ville. Il rapporte que durant son enfance, alors qu’il vivait depuis quelques années avec sa famille en France, il regardait souvent sa collection de timbres et de cartes postales. Parmi ces cartes se trouvaient des images de la Seine et de ses ponts, de la cathédrale de Notre-Dame, et de la « maison en triangle » dans le quartier de Mamilla. Celle-ci, avec son toit rouge, se dressait au sommet d’une forme triangulaire créée par l’intersection de deux rues près de la frontière de la ligne d’armistice (fig. 9). Plus que toute autre, cette image symbolisait pour lui un foyer. En 1968, à son retour, il apprend que dans le cadre de l’évacuation du quartier, la maison a été démolie, et seules demeurent les rues, formant un triangle incomplet (fig. 10). Mamilla avait été le premier quartier construit en dehors des murs de la ville, près de la porte de Jaffa. Après la guerre d’Indépendance, la frontière le traversait, et après la guerre des Six Jours, le démantèlement des bâtiments de Mamilla commença. Les ruines abandonnées du quartier sont restées intactes durant de nombreuses années, à l’image d’autres ruines du passé de Jérusalem qui ont été décrites et représentées par divers pèlerins, artistes, et photographes durant les siècles précédents. La reconstruction ne commença qu’en 1980.

La maison d’enfance d’Havilio était située près de la frontière qu’enfant, il n’osait pas approcher. Le cadre montre une photo noir et blanc de lui à cette époque : il se tient dos au mur, regardant les enfants qui jouent près de la frontière. La frontière, comme espace liminal, est attirante autant qu’elle est menaçante. Havilio cite l’épisode « La frontière » du film de David Perlov In Jerusalem (Isr., 1964). Tandis que les plans alternent entre le point de vue de « notre » côté et celui du « leur », Perlov et Malkin, le scénariste, se demandent : « quelle langue parlent donc les sirènes des voitures ? ». Cette séquence est typique de la façon dont Havilio appréhende Jérusalem comme un espace stratifié, qui comprend non seulement la réalité matérielle des lieux visibles, les rues poussiéreuses et les ruines, mais aussi ce qui a été là, et qui perdure dans les souvenirs historiques et personnels.

En suivant les traces de Jérusalem à travers les chroniques et la généalogie de sa dynastie familiale, et celles de sa dynastie familiale à travers les lieux et événements de Jérusalem, Havilio dessine une esquisse de la ville et de sa famille dans le présent d’énonciation du film – un présent qui nous rappelle ce qui bientôt sera révolu, ou qui l’est déjà. Jérusalem, la ville « qui a été réunie [that was joined together] » (Talmud de Jérusalem, traité Baba Quamma, 7 :7), est, dans le présent du film, et sans doute encore plus aujourd’hui, une ville de différences : la différence entre l’Est-Jérusalem palestinienne et l’Ouest juive ; entre le quartier ultra-orthodoxe de Méa Shéarim et le centre-ville ; et la différence entre hommes et femmes, non seulement au Mur des Lamentations et sur les sites sacrés, mais aussi sur certaines lignes de bus qui, selon les règlements de la ville, entretiennent une séparation des genres29.

La mémoire comme lieu

Au cinéma, un lieu est toujours déjà le souvenir d’un lieu. Toutefois, dans les films analysés ici, la mémoire du lieu devient le sujet du film et son essence. Le souvenir cinématographique d’un lieu engage les spectateurs vis-à-vis de la géographie symbolique du lieu tel qu’il apparaît sur l’écran. Dans cette rencontre, le souvenir projeté rencontre un autre souvenir : celui de la spectatrice. Gilles Deleuze utilise le terme « hors-champ » par rapport au cadrage pour décrire ce « qu’on n’entend ni ne voit, pourtant parfaitement présent »30 – dans le cas d’Israël, l’image utopique du lieu.

Un mouvement constant entre passé et présent s’opère dans les films de Rogosin, Geva, Havilio et Even, tandis que le lieu et le territoire sont observés par une série de regards subjectifs, souvent entremêlés, venant de l’intérieur ou de l’extérieur. La signification émerge de l’interaction entre ce qui apparaît à l’écran et ce qui est omis, et de l’écart créé entre les plans. Le film de Rogosin Arab-Israeli Dialogue présente deux positions internes, délimitées par l’objectif de la caméra. Des années plus tard, en 2011, le fils de Rogosin, Michael, est parti en Israël pour interroger avec sa propre caméra des personnes qui, dans le présent de son film, ont un rapport avec le film de son père (parmi eux : Shlomzion, la fille d’Amos Keinan, un réalisateur israélien qui vit à l’étranger, et des intellectuels français et palestiniens). Il apporte ainsi une nouvelle perspective qui part du présent vers le passé. Dans son film Imagine Peace, Michael Rogosin s’entretient avec les membres palestiniens et israéliens du comité éditorial du Palestine Israel Journal, dont les bureaux se situent à Jérusalem-Est. Là encore, un retour au film de Lionel Rogosin se produit, quand Arab-Israeli Dialogue est projeté devant les membres du comité, qui comprend Walid Salem, Ziad Abu Zayyad et Hillel Schenker (fig. 11). Comme dans Mikdamot d’Anat Even, il filme le moment de la projection et son public, essayant de comprendre la pertinence contemporaine du film de 1973. A la suite de cette séance dans les bureaux du journal, les spectateurs interprètent les plans sur les paysages d’Israël comme filmés d’une perspective juive : une terre stérile, occupée et cultivée par des habitants juifs. Ainsi, le film de Lionel Rogosin, du point de vue du présent, met en lumière deux mythes liés au pays : le problème territorial de sa possession, et le mythe du « lieu vide », qui fait écho au slogan sioniste qui disait « un peuple sans terre, pour une terre sans peuple ».

Comme l’a déclaré Rogosin lui-même dans un texte sur le conflit israélo-palestinien, « [la situation] est presque similaire à deux peuples se disputant l’accès à la même salle de bain au même moment. La question est : qui a les plus grands besoins ? »31. Dans l’un de ses poèmes, Hussein écrit : « Sans passeport / Je suis venu vers toi / et me suis révolté contre toi / alors massacre-moi / peut-être que je sentirai alors que je meure / sans passeport »32. Dans le film de Rogosin de 1973, Keinan affirmait que « le conflit entre [nos deux peuples] n’existe que depuis vingt-cinq ans. Nous avons le temps de le résoudre et j’espère que nous y arriverons ». Le film réalisé dix-sept ans plus tard montre Keinan qui déclare à Rogosin : « Si Rashid était vivant, lui et moi répéterions les mêmes mots, avec les mêmes intonations », et il ajoute que « rien n’a changé depuis, c’est terrible ». Le fait qu’Hussein n’est plus en vie, et que dix-sept ans se sont écoulés tandis que la rivalité sanglante se poursuit, juste avant l’Intifada, change la situation. Keinan lui-même, en l’absence d’Hussein, se sent obligé de clore le différend et d’assurer les droits du peuple palestinien.

Passant devant un verger dans le film To the Water Wells (Moti Kirschenbaum, Isr., 1987), réalisé pour la télévision israélienne, Keinan s’adresse à la fameuse chanteuse israélienne Naomi Shemer : « Je ne peux pas oublier que moi aussi je me suis assis sous cette même vigne et ce même arbre, et j’ai été déraciné et déplacé ; pour cette raison, je ne peux pas oublier que sous ce même arbre était une fois assis un Palestinien, que j’ai aussi déraciné et déplacé ».

1 Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire » [1940], dans Œuvres, tome III, trad. Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch, Paris, Gallimard, 2000, pp. 427-444.

2 Voir Georges Didi-Huberman, « Ouvrir les camps, fermer les yeux », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 61, no 5, 2006, pp. 1011-1049.

3 Walter Benjamin, op. cit., p. 431.

4 Cet entretien filmé a été réalisé en 1990 par Lionel Rogosin, pour faire suite à Arab-Israeli Dialogue, et a été monté en 2017 par Michael Rogosin. Contrairement au premier film de 1974, Rogosin y apparaît à l’écran.

5 Timothy Corrigan, The Essay Film : From Montaigne, After Marker, New York, Oxford University Press, 2011, p. 35 [ma trad.].

6 Voir les études de Mariagiulia Grassilli (« Anthropology and Cinema : Visual Representations of Human Rights, Displacement and Resistance in Come Back Africa, by Lionel Rogosin », Visual Anthropology, vol. 20, no 2/3, 2007, pp. 221-232), Ntongela Masilela (« Lionel Rogosin : Making Reality Exciting and Meaningful », 2009 [1990], en ligne : http://pzacad.pitzer.edu/NAM/general/essays/rogosin.pdf) et Jean-Pierre Berthomé (« Lionel Rogosin : La caméra comme arme de combat », Positif : Revue mensuelle de cinéma, vol. 610, 2011, pp. 79-80).

7 Cette information est mentionnée dans le documentaire de Michael Rogosin sur Arab-Israeli Dialogue, Imagine Peace (inédit, 2017).

8 Ibid.

9 Il s’agit des intellectuels et journalistes palestiniens, français et israéliens interviewés par Michael Rogosin dans son film susmentionné.

10 Zali Gurevitch et Gideon Aran, « On Site : Israeli Anthropology » [hébreu], Alpayim, vol. 4, 1991, pp. 44-49.

11 Ces plans se trouvent principalement au début du film et vers son dénouement. En grand angle, on voit les montagnes le long des plages au nord d’Israël ; des panoramiques dévoilent les courbes des montagnes, et sont suivis d’un plan sur un camp de réfugiés, avec quelques tentes ; des soldats et des Arabes marchent dans un endroit désert. Plus loin, vers la fin du film, des plans présentent le flot de rivières, quelques personnes travaillant dans un champ, une usine, et même un paysage urbain (fig. 5-6).

12 Michel de Certeau, L’Invention du quotidien. I. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990 [1980], p. 173.

13 Daniel Boyarin et Jonathan Boyarin, « The People of Israel Have No Motherland », Theory and Criticism : An Israeli Forum, no 5, 1994, p. 98.

14 Cette renaissance inclut la position nativiste, « canaanite » (Zeev Jabotinsky, Yonatan Ratosh), mais aussi les positions sionistes dominantes.

15 Voir Emmanuel Lévinas, « Terre promise et terre permise » (Quatre lectures talmudiques, Paris, Editions de Minuit, 1968, pp. 130–131), et les écrits de Ya’acov Shavit (From Hebrew to Canaanite : Aspects in the History, Ideology and Utopia of The « Hebrew Renaissance » – from Radical Zionism to Anti Zionism, Tel Aviv, Domino Press, 1984) et d’Hanoch Ben Pazi (« On Land and Eretz Israel in Lévinas’s Thought : Questions for Zionism », Iyunim Bitkumat Israel. Studies in Zionism, the Yishuv and the State of Israel, vol. 17, 2007, pp. 123–154). Franz Rosenzweig le formule ainsi : « Nous seuls, nous avons fait confiance au sang et délaissé le pays ; ainsi avons-nous épargné la sève précieuse de la vie, qui nous offrait l’assurance de notre éternité propre » (L’Etoile de la rédemption, trad. Alexandre Derczanski et Jean-Louis Schlegel, Paris, Seuil, 1982 [1976], p. 354).

16 Lionel Rogosin, « Draft – Israeli/Arab Article » [inédit], sans date, archives privées de Lionel Rogosin, Angers, France, pp. 4-5, [ma trad.].

17 Michel Foucault, « Des espaces autres » [1967 – première parution 1984], Dits et écrits : 1954-1988, tome IV, éd. Daniel Defert et François Ewald, Paris, Gallimard, 1994, pp. 752-762.

18 Edward S. Casey, Getting Back into Place : Toward a Renewed Understanding of the Place-World, Bloomington/Indianapolis, Indiana University Press, 1993, p. xxvii [ma trad.].

19 Henri Lefebvre, De L’Etat, 4. Les contradictions de l’Etat moderne, Paris, UGE, 1978, p. 262 (cité en anglais dans Neil Brenner et Stuart Elden, « Henri Lefebvre on State, Space, Territory », International Political Sociology, vol. 3, no 4, décembre 2009, p. 358).

20 S. Yizhar, Prémices, trad. Emmanuel Moses, Arles, Actes Sud, 1997 [1992].

21 Id., p. 11 [trad. modifiée].

22 Id., p. 68 [trad. mod.].

23 Dan Miron, « Introduction », dans S. Yizhar, Preliminaries, trad. Nicholas de Lange, New Milford (Connecticut), Toby Press, 2007 [1993].

24 Sami Berdugo, « An interview with Anat Even on her film Preliminaries », Route Forty – Webzine from the South, sans date, en ligne (retiré).

25 Voir Régine-Michal Friedman « Between Essay and Midrash : Description d’un Combat (Chris Marker, 1960) », dans Boaz Hagin, Sandra Meiri, Raz Yosef et Anat Zanger (éd.), Just Images Ethics and the Moving Image, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholar Publishers, 2011, pp. 20–34.

26 Id., p. 51 [ma trad.].

27 Henri Lefebvre, La Production de l’espace, Paris, Editions Anthropos, 1974.

28 Selon Igor Doukhan (« Beyond the Holy City : Symbolic Intentions in the Avant-Garde Urban Utopia », dans Bianca Kühnel [éd.], Journal of the Center of Jewish Art, no 23-24 [« The Real and Ideal Jerusalem in Jewish, Christian and Islamic Art »], 1997-1998, pp. 565-574), la destruction du Temple et l’exil des Juifs de Jérusalem ont été les points de départ pour le détachement entre l’image de la ville et sa réalité.

29 Voir Tovi Fenster, « Gender Relations in the Israeli City : The Case of Jerusalem », dans Tovi Fenster et Haim Yacobi (éd.), Israeli City or City in Israel ? Questions of Identity, Meaning and Power [hébreu], Jérusalem/Tel Aviv, The Van Leer Jerusalem Institute and Hakibbutz Hameuchad Publishing House, 2006, pp. 135-154.

30 Gilles Deleuze, Cinéma 1 : L’image-mouvement, Paris, Editions de Minuit, 1983, p. 28.

31 Lionel Rogosin, « Draft – Israeli/Arab Article » [inédit], op. cit., p. 6 [ma trad.].

32 Rashid Hussein, « Without a Passport », trad. Rana Kabbani, dans « Rashid Hussein : The tortured soul and a poet star of Palestine », Middle East Revised, 2014, en ligne : middleeastrevised.com/2014/06/07/rashid-hussein-the-tortured-soul-and-a-poet-star-of-palestine/ [ma trad.].