Caroline Eades

Le Comité du film ethnographique : de la création au bilan

Pour attester la pérennité, spécificité et légitimité des actions du Comité du film ethnographique (CFE) créé en 1952, il suffit d’évoquer la célébration en 2011 des « 30 ans du Bilan du film ethnographique » en hommage au festival créé par Jean Rouch en 1982, et devenu depuis 2008 le Festival international Jean Rouch. Si aujourd’hui les milieux de l’ethnologie et de la critique cinématographique reconnaissent la pertinence de ce projet mis en place il y a soixante-cinq ans, l’étude du contexte de la création du CFE nous amène à nous interroger sur l’aboutissement d’un itinéraire où s’entrecroisent sur plusieurs décennies l’histoire de l’ethnologie et celle du cinéma au gré des engagements personnels et des concours de circonstances, des volontés et des ambiguïtés.

En utilisant à titre d’exemple et de paradigme la contribution de Jean Rouch dans ce processus avant sa consécration comme figure de proue du cinéma ethnographique en général et du CFE en particulier, le rappel des événements, des débats et des productions qui ont présidé à la création du CFE permettra d’évoquer les questions épistémologiques, idéologiques, financières et esthétiques auxquelles étaient alors confrontées une discipline scientifique – l’ethnologie – et une pratique artistique – le cinéma – non seulement contemporaines de l’impérialisme français mais souvent aussi influencées par ses principes directeurs1.

Le CFE est en effet, à sa création, affilié, sur le plan programmatique, structurel et financier au Musée de l’Homme, et, sur le plan académique, au milieu de la recherche et de l’enseignement supérieur qui entretiennent depuis les années 1930 des rapports ambigus avec la politique impérialiste de la iiie République et, comme le reste de la nation, doivent faire face au début des années 1950 au processus inéluctable de la décolonisation, tout comme les acteurs et les institutions du paysage cinématographique, artistique et culturel dans lequel évoluent les jeunes ethnocinéastes de l’époque.

Le Musée de l’Homme en héritage

Le CFE se forme en 1953 à Paris pour constituer la branche française du Comité international du film ethnographique et sociologique (CIFES) fondé avec le concours de l’UNESCO lors du ive Congrès international des sciences anthropologiques et ethnologiques de Vienne en 19522. Le fait que le CFE soit hébergé au Musée de l’Homme3 le situe dans le prolongement d’une histoire qui débute en 1938 avec l’ouverture du nouveau musée. Celui-ci, sous la direction du professeur Paul Rivet et avec l’aide de Georges Henri Rivière, se dote presque aussitôt d’un Service de la cinématographie géré par Henri Reynaud qui y programme aussi bien des films purement scientifiques « – la plupart en petits formats et muets – et des films de format standard sonores et commentés destinés à l’exploitation commerciale »4. Pour servir les intérêts de la communauté scientifique comme ceux du grand public, le Musée de l’Homme s’attache à devenir le centre de la production et de la diffusion du film ethnographique.

La volonté de garantir la rigueur scientifique et professionnelle des travaux de recherche tout en assurant leur lisibilité et leur rayonnement5 guidera pour l’essentiel l’élaboration des missions du CFE lors de sa création : catalogage des films (le premier catalogue des films ethnographiques français sera publié en 1955 par Enrico Fulchignoni), production et diffusion de films avec le concours du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), mise à disposition d’équipement et de personnel de postproduction, création de festivals et de rétrospectives en France et à l’étranger, collection et conservation des films ethnographiques. Avec ce programme ambitieux s’annonce, selon Rouch, « le début de l’ère véritable du cinéma ethnographique »6. Quant au financement, le CFE qui, en tant qu’association de loi 1901, ne relève pas du budget de l’état compte sur le soutien de ses membres, du Centre national de la cinématographie, du CNRS7, de producteurs privés et de généreux donateurs, à l’instar du Musée de l’Homme.

La mission du CFE en 1953 doit donc se comprendre à la lumière de son affiliation au Musée de l’Homme et à l’Institut d’ethnologie ainsi qu’à un certain nombre d’établissements français d’enseignement supérieur et de recherche – en ethnologie comme en cinéma – qui restent après la guerre « largement attaché[s] […] à la construction d’une idéologie républicaine et d’une identité nationale ». Les principes de cet engagement reposent sur trois dimensions : « la dimension démocratique (ouverture au public et propriété collective), la dimension éducative (enseignement d’un goût artistique) et la dimension centralisatrice (concentration du pouvoir politique et de la pré-administration culturelle à Paris) »8. Le statut d’association lui donne cependant l’avantage d’une certaine autonomie vis-à-vis de l’administration étatique déconsidérée par sa collaboration avec le gouvernement de Vichy pendant l’Occupation allemande9 ainsi qu’une solidité institutionnelle supérieure à celle des « écoles », courants et mouvements cinématographiques (tels que ceux regroupés par la suite à l’enseigne du Kino-Pravda de Dziga Vertov ou du Documentary Film Movement de John Grierson), même si l’avenir fera du CFE le foyer du « cinéma direct »10 à l’instigation de Jean Rouch.

La direction du premier CFE, avec André Leroi-Gourhan comme président et Jean Rouch comme secrétaire général (il le restera pendant cinquante ans11), n’est pas sans rappeler le duo à la tête du Musée de l’Homme, Paul Rivet et Georges Henri Rivière. Ce qui caractérise cependant le CFE à ses débuts est le profil académique de ses premiers membres (Jean Rouch, Enrico Fulchignoni, Marcel Griaule, André Leroi-Gourhan et Claude Lévi-Strauss), bientôt suivis par d’autres chercheurs en sciences sociales (Roger Caillois, Edgar Morin, Germaine Dieterlen, Pierre Ichac) et deux cinéastes (Alain Resnais et Marc Allégret). Ainsi se réalise le vœu de Leroi-Gourhan de faire du CFE un espace de rencontre et de discussion ; mais la présence presque exclusive d’ethnologues l’apparente à un cercle relativement fermé12.

Sur le plan structurel, on le voit, le CFE avait pour objectif principal de légitimer l’utilisation et la pratique du cinéma au sein d’une science relativement nouvelle en se différenciant d’autres formations, qu’il s’agisse des sociétés savantes dans le domaine scientifique ou des ciné-clubs dans le domaine cinématographique. Pas d’amateurs, tout éclairés soient-ils, ni de public populaire, tout passionné soit-il : le CFE rassemble des spécialistes en ethnologie qui pratiquent le cinéma.

Cette dimension élitiste a contribué à la définition et à l’indépendance de ces « irréprochables ethnographes qui [se devaient d’être] aussi de très bons cinéastes », c’est-à-dire non seulement dotés d’une « initiation poussée aux techniques cinématographiques »13 mais aussi d’une « sensibilité à l’image », voire « d’un don pour le cadrage »14. La création du CFE apporte ainsi un terme aux débats initiaux en favorisant la « professionnalisation » des ethnocinéastes15 au lieu de recourir à des professionnels du cinéma. Même si les membres du CFE n’échappent pas au sentiment d’être pris entre deux champs disciplinaires, ils disposent désormais de leurs propres espaces de réflexion, de création et d’échange (universités, centres de recherche, festivals, congrès internationaux) en tant que praticiens dotés d’une double expertise16.

Cette posture s’explique par le fait que la mise en place du CFE intervient à un moment-clé de l’histoire de la discipline et des sciences sociales en France, comme en atteste le colloque qui s’est tenu à l’école des hautes études en sciences sociales en octobre 2017 : « Années 50 : aux sources de l’anthropologie française contemporaine. L’inventaire des possibles »17. Cette époque est en effet celle où l’Institut d’ethnologie vit ses dernières heures avec la mort de Marcel Mauss en 1950, le départ de Paul Rivet à la retraite en 1956 et l’arrivée d’André Leroi-Gourhan et Claude Lévi-Strauss à la tête de la discipline. Ne serait-ce que par son parcours personnel combinant la recherche en préhistoire, en archéologie et en ethnologie18, André Leroi-Gourhan est particulièrement sensible aux deux objectifs apparemment contradictoires du film ethnographique : légitimation de la spécialité et ouverture à d’autres sciences humaines, ce que Rouch tentera de réaliser avec un succès mitigé dès 1960 en tournant Chronique d’un été avec le sociologue Edgar Morin. De fait, le CFE, par ses liens avec l’Institut d’ethnologie, représente une stratégie alternative au système traditionnel et monodisciplinaire de formation et de recrutement des ethnologues issus de l’administration coloniale (Bernard Maupoil, Henri Labouret, Jacques Soustelle par exemple). Le « musée-laboratoire » a en effet la particularité d’héberger des étudiants-chercheurs provenant de diverses institutions (le CNRS, l’Université de la Sorbonne, l’école pratique des hautes études, l’école coloniale devenue en 1936 l’école nationale de la France d’outre-mer) et de formations variées (lettres, droit, histoire et bien sûr l’ingénierie puisque Rouch était diplômé de l’école des ponts et chaussées). La discipline s’ouvre également aux femmes, avec Germaine Dieterlen, docteur d’état, chef de la mission Niger avec Marcel Griaule et membre du CFE19, Denise Paulme, Yvonne Odon et Germaine Tillion. Cette diversité peut expliquer que, durant leurs études à l’Institut d’ethnologie, certains aient été amenés à suivre, aux côtés d’Alain Resnais, Ghislain Cloquet et René Vautier, les cours et conférences de l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC), notamment sur des sujets proches de leur champ d’investigation comme la conférence de Merleau-Ponty sur les rapports entre cinéma et « nouvelle psychologie » et celle de Madeleine Rousseau sur l’art africain20.

Le milieu académique

La mission du CFE – la légitimation et l’indépendance du film ethnographique – a d’abord pour cadre le milieu académique où s’est développée l’ethnologie en tant que nouvelle discipline. Les institutions tutélaires de l’Institut d’ethnologie, fondé en 1925 par Marcel Mauss et Lucien Lévy-Bruhl, sont, outre le Ministère des Colonies, l’Université de la Sorbonne et le Musée de l’Homme où la tradition du mandarinat, particulièrement vivace dans le milieu scientifique français, est incarnée par la présence de mentors à l’autorité indiscutable, tels Rivet, Rivière, Mauss, Griaule et Leroi-Gourhan, auprès d’une génération de jeunes ethnologues – pour qui ils espéraient un avenir moins tragique que leurs prédécesseurs décimés par la Première Guerre mondiale.

En 1953, Jean Rouch, qui va présider aux destinées du CFE, vient d’obtenir son doctorat d’état21 et un poste au CNRS22 ; il ne manque pas de valoriser son nouveau statut. Cependant, il ne s’agit pas seulement pour lui de consacrer sa position personnelle et par là celle de sa propre discipline, mais aussi d’en assumer les responsabilités en vue du développement du CFE : financement des missions, animation d’une équipe de recherche, lancement de projets, rayonnement de la profession, promotion du travail des doctorants en ethnologie comme des étudiants en études cinématographiques, et ce malgré la « frilosité de la communauté institutionnelle et scientifique », comme il le reconnaît lui-même23.

La place du maître est d’ailleurs observable au sein même des films ethnographiques : Marcel Griaule, au début de son film Sous les masques noirs (1939), « apparaît aussi en gros plan, carnet de note à la main, face à l’informateur Ambibé Babadyi et à l’interprète Dousso Wologuem […] [et] filmé en contre-plongée »24. Au fur et à mesure que la spécificité du film ethnographique est reconnue, les génériques qui ne mentionnaient que le chef d’expédition affichent désormais le nom de l’ethnologue qui l’a réalisé, confirmant ainsi son expertise en tant que cinéaste, mais aussi son autorité vis-à-vis des commanditaires du film (Marcel Griaule et Germaine Dieterlen pour Cimetière dans la falaise, Rouch, 1950) et de ses partenaires (Jean Sauvy et Pierre Ponty étant relégués au rang d’assistants). Rouch a d’ailleurs recours à la métaphore filiale et généalogique pour saluer la « renaissance du film ethnographique » avec la création du CFE25.

On peut mesurer combien dans le contexte colonial, particulièrement en crise après la Seconde Guerre mondiale, l’accès à cette « famille » ou, plus généralement, à des positions de pouvoir pouvait être limité pour ceux qui n’avaient pas vocation à y prétendre, du fait de leur sexe, de leur classe sociale, de leur formation intellectuelle ou de leur origine ethnique et nationale26. Dans le domaine des études cinématographiques, si l’IDHEC n’est pas soumis au même système de mandarinat que l’Institut d’ethnologie, le corporatisme y est tout de même de règle. D’une part, les femmes y sont reléguées à des postes techniques et peu encouragées à s’orienter vers la réalisation27. D’autre part, comme la Nouvelle Vague le dénoncera plus tard, les structures de production du « cinéma de papa » sont extrêmement hiérarchisées. Il faut cependant noter que la « politique des auteurs », initiée par les critiques des Cahiers du cinéma, consistera à renforcer, elle aussi, l’autonomie artistique du créateur28 aux dépens du travail d’équipe et le plus souvent de la participation des femmes à la réalisation29.

La mission pédagogique du film ethnographique définie par le CFE s’inscrit également dans la situation paradoxale du système éducatif français, pivot du système démocratique et républicain en métropole, et instrument privilégié de la « mission civilisatrice » dans les colonies. De plus, la spécificité de la discipline l’a conduite, en étudiant et présentant à un public large les objets et les pratiques des populations colonisées, à légitimer le colonialisme au nom de l’humanisme et de l’universalité au moment même où les mouvements indépendantistes remettaient en question les fondements et l’existence de l’impérialisme français.

Or, si le statut de chercheur des ethnologues les dispense d’enseigner et facilite l’expérimentation de nouveaux modes d’investigation et de diffusion comme la radio, puis le cinéma – avant la télévision30 –, le film ethnographique ne s’en trouve pas moins triplement marginalisé dans la France d’après-guerre : par l’institution universitaire qui rejette les formations non traditionnelles et transdisciplinaires, par le système éducatif qui sépare érudition et savoir technique, et par l’emprise de l’administration coloniale qui, principal fournisseur de fonds et de débouchés professionnels hors de la métropole, soumet la recherche à des fins utilitaires pour mieux contrôler et exploiter les populations colonisées en dépit de l’évolution internationale sur ce plan31.

L’après-guerre

Le contexte politique de la France dans les années 1950 est en effet un facteur déterminant. Comme le rappelle Jean-Pierre Rioux, « aux faiblesses extérieures s’ajoutent les difficultés intérieures (dans les années suivant la Seconde Guerre mondiale). En quelques mois, elles privent la République issue de la Résistance de ses deux forces principales de légitimation, le communisme et le gaullisme »32. Face à cette instabilité politique, la culture française d’après-guerre perpétue les principes fondateurs de la iiie République, à commencer par la « mission civilisatrice ». La gestion de l’Empire par des gouvernements aussi divers que le Front populaire, le gouvernement de Vichy et la ive République représente à la fois une stratégie gagnante et un terrain miné pour les ethnologues dont les recherches sur des sociétés et cultures autres se font apparemment au bénéfice de la science occidentale et incidemment contribuent à l’administration et à l’exploitation des colonies. Certes, après la Seconde Guerre mondiale, la montée de l’anticolonialisme se confirme face aux changements économiques (les colonies coûtent plus cher qu’elles ne rapportent), politiques (notamment le droit des peuples à se diriger eux-mêmes et les théories marxistes) et philosophiques (avec les thèses anticolonialistes défendues par Simone de Beauvoir33, Jean-Paul Sartre34 et Frantz Fanon). Mais la politique de réformes engagée à la suite de la conférence de Brazzaville (1944), essentiellement sur le plan social, ne fait que masquer le maintien à tout prix de la situation coloniale, le mépris à l’égard des révoltes locales et l’indifférence de la majorité de la population française (un sondage de l’INSEE en 1949 constate que 81 pour cent des Français « pensaient que la France avait intérêt à avoir des colonies »35).

La création du CFE s’inscrit dans cette conjoncture. L’ouverture internationale qui y est proposée est modérée par son envergure, sa portée et son contexte : la reconfiguration de l’échiquier politique sous l’effet du début de la guerre froide, de la reconstruction européenne et de la décolonisation ne déstabilise pas encore le pouvoir exercé par la métropole sur l’espace national perçu comme le centre d’un empire colonial ; les ethnologues ne se sont pas encore départis d’« un colonialisme de gauche qui reprend à son compte l’idée de ‹ mission civilisatrice › et l’oppose à la contestation radicale de l’Internationale communiste »36. Reflétant la position de chercheurs dont la pratique a toujours dépendu du régime colonial sur les plans financier, logistique et idéologique la composition du Comité international du film ethnographique et sociologique tout comme celle des délégations au Congrès de Vienne sont exclusivement occidentales, voire européennes. La création de comités nationaux tels que le CFE ne concernait dans un premier temps que la France et la Belgique ; en 1957, elle s’est étendue à huit autres pays européens (l’Italie, la Hollande, la Suisse, l’Angleterre, l’Allemagne, la Yougoslavie), ainsi qu’au Canada et à Israël. Leurs réunions ont pour cadre Paris, Bruxelles, Venise, Florence, Locarno, Prague37.

Au niveau individuel, les jeunes ethnologues qui ne sont pas sans ignorer les mouvements d’indépendance et les revendications des élites locales se caractérisent par le même manque de conscience politique que la majorité de leurs compatriotes. Comme le rappelle Jean Sauvy, « bien sûr nous n’avons pas été insensibles aux grands événements de l’époque, la guerre d’Espagne, le Front populaire, les irrésistibles ascensions de Hitler et de Mussolini. Mais nous avons regardé ça de loin, encore que Rouch m’affirme qu’à un moment donné, il a eu envie d’aller voir ce qui se passait en Espagne, du côté des Brigades rouges »38. De fait, la Seconde Guerre mondiale a plutôt épargné le milieu ethnologique39 et les débats passionnés entre étudiants comme, plus tard, les allusions à la fin proche de l’Empire dans leurs films40 ne débouchent pas sur un engagement effectif, au grand dam d’Albert Viguier sur le tournage de Chronique d’un été41.

Il est vrai que les grandes questions éthiques posées à l’ethnologie ont déjà été traitées et réglées au sein du milieu scientifique par leurs aînés qui se sont déclarés, dans leur majorité, résolument contre le racisme et l’antisémitisme dès les années 1930, marquant ainsi l’émergence de l’ethnologie moderne par son positionnement face à l’idéologie ambiguë qui caractérise l’anthropologie au début du siècle42. Si Pierre Singaravélou place l’Institut d’ethnologie à la « marge des experts coloniaux »43, c’est néanmoins le réformisme et l’attentisme que choisissent la plupart des ethnologues : ils constatent l’influence du contact des Européens sur les peuples colonisés et ses conséquences tout en conservant la réserve prudente que recommandait autrefois Rivet à ses jeunes disciples.

En métropole, ni l’anticolonialisme militant ni l’idéologie marxiste ne séduisent les jeunes ethnologues qui, une fois sur le terrain de leurs recherches, laissent libre cours à l’insouciance et l’excitation de la vie coloniale, comme le rapporte Jane Rouch, l’épouse de l’ethnologue depuis 1952 : « Dans la bande à Rouchouchou, on jouait Robin des Savanes. On faisait du ciné-plaisir. Sans autorisation »44. Ainsi la création du CFE intervient-elle dans une atmosphère paradoxale : la domination coloniale et la lutte pour l’indépendance ont pour lieu et enjeu les pays mêmes qui incarnent la liberté et la joie de vivre pour une génération d’ethnologues dont Jacques Becker a fait le portrait en 1949 dans son film Les Rendez-vous de juillet. L’expérience des jeunes chercheurs renoue avec le mythe colonial de l’explorateur, du « broussard, héroïque aventurier des temps modernes »45, perpétué par la littérature et le cinéma et dénoncé par Lévi-Strauss à la première ligne de Tristes Tropiques46.

La condition sine qua non de la pratique de l’ethnocinéaste apparaît donc comme le privilège du colonisateur par l’exercice de la mobilité (volontaire) sur les plans scientifique (avec la collecte de données sur le terrain) et technique (par l’accès à un équipement léger, des outils de postproduction et du personnel qualifié). La liberté d’observer et d’explorer que garantit l’héritage de la conquête est cependant fortement contestée dès l’après-guerre, y compris en métropole, par les militants indépendantistes issus de l’élite intellectuelle, politique et artistique africaine tels que Félix Houphouet-Boigny, Léopold Sédar Senghor, ou encore Sékou Touré. C’est aussi à leur tour de s’intéresser au cinéma, mais cette fois pour défendre leurs idées : ainsi le journal Présence africaine fondé en 1947 par Alioune Diop commande-t-il à Alain Resnais un court métrage sur le trafic d’objets d’art africains (Les Statues meurent aussi, réalisé par Chris Marker, Alain Resnais et Ghislain Cloquet, sort en 1953 et est aussitôt interdit jusqu’en 1964). Dans les colonies, René Vautier parvient à échapper à l’administration coloniale et à sauvegarder son film, Afrique 50, grâce à l’aide des élus africains et de leur réseau local et parisien47. De fait, la répression et la censure de l’état français face à la révolte indépendantiste en Indochine48, puis en Algérie après les émeutes de Sétif, Guelma et Kherrata en 1945, mais aussi face aux menaces d’intervention américaine et à l’expansion communiste commencent à s’exercer contre les auteurs de films documentaires qui, comme Paul Carpita49, René Vautier et Alain Resnais, sont clairement engagés dans l’anticolonialisme et la résistance à l’autorité. Comme le résume Vautier, ils s’efforcent de présenter des « images des problèmes de l’Afrique d’aujourd’hui » et du reste de l’Empire en s’écartant de la perspective ethnographique.

En effet, bien que la pratique de ses membres soit fortement ancrée dans les colonies sur les plans historique, logistique et scientifique, le CFE est avant tout composé de Parisiens qui, même issus de province, ont dû suivre leur formation et mener leur carrière dans la capitale. Au moment où les jeunes documentaristes français s’intéressent au reste du pays, que ce soit la Camargue pour Georges Rouquier, Marseille pour Paul Carpita, ou la Bretagne pour Yannick Bellon, c’est essentiellement à Paris et dans sa proche banlieue50 que Jean Rouch mènera avec Raymond et Landry, puis avec Damouré Zika et Lam Ibrahim Dia, ses expériences cinématographiques d’ethnologie « à rebours ». Contrairement au documentaire sociologique, la conception, la réalisation et la diffusion du film ethnographique ont alors été intimement liées à la logique centralisatrice de l’Empire, ne serait-ce que par le financement des missions et la gestion des personnels. Tout au plus la fracture coloniale dont l’ethnologie a fait l’expérience depuis sa création est-elle devenue une réalité plus sensible et plus problématique dans un Empire en voie de disparition.

Certes, la politique réformiste d’après-guerre a produit quelques effets sur les films produits par les ethnologues : les commentaires ne glorifient plus l’action coloniale de la France, l’origine géographique ou ethnique des populations filmées est précisée, les équipes commencent à inclure des « informateurs indigènes », mais Damouré Zika et Lam Ibrahim Dia que Rouch et Sauvy considèrent comme de « véritables assistants ethnographes et cinéastes » ne seront promus qu’en 1955 au rang d’ingénieurs du son des Maîtres fous avant de devenir coréalisateurs de Cocorico, Monsieur Poulet en 1974. Il est cependant à noter qu’une telle promotion n’est due qu’au hasard des rencontres, aux liens d’amitié, aux qualités personnelles et au bon vouloir des experts coloniaux, indépendamment des structures républicaines « égalitaires » de formation et d’éducation. Et il faudra attendre la loi-cadre du 23 juin 1956 pour que le principe de l’africanisation des cadres de l’administration d’outre-mer, notamment dans les centres de recherche implantés dans les colonies, soit validé.

En métropole, l’admission du premier Africain à l’IDHEC, Paulin Soumanou Vieyra, a lieu en 1952 et le premier film de l’histoire du cinéma africain, Mouramani de Mamadou Touré, ne sort qu’en 195351. On peut donc penser que la conjonction des nouvelles indépendances et du développement du cinéma ethnographique a favorisé l’émergence du film africain même s’il ne relève pas directement des missions du CFE. De fait, en 1969, le premier festival du cinéma africain, ancêtre du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), aura pour invités deux ethnocinéastes français, Jean Rouch et Serge Ricci52. En revanche, là aussi, le séjour en métropole, la place du mentor, la formation à la française constituent le passage obligé des aspirants locaux. Aujourd’hui, le débat oppose encore les historiens d’un cinéma africain qui serait en directe filiation avec le film ethnographique et selon lesquels « avec Jean Rouch l’Afrique s’est emparée de la caméra » aux cinéastes qui, comme Med Hondo et Manthia Diawara, dénoncent « une soi-disant spécificité culturelle africaine qui [les] ridiculise » et prônent un « cinéma fait par des Africains et, au moins en théorie, pour les Africains »53.

Une place à part

Un autre défi pour le film ethnographique en 1953 consistait à se démarquer, sur le plan de la dénomination54 comme sur celui du genre, d’autres types de productions cinématographiques réalisées dans et sur les colonies, que ce soit les courts métrages tournés par des amateurs, les reportages commerciaux Pathé ou Gaumont ou les documentaires de la Section photographique et cinématographique des armées55.

Ces modes de cinéma documentaire continuent à participer à la propagande de l’« entreprise coloniale » tout en offrant un portrait stéréotypé, voire raciste et voyeur56, des habitants ; la qualité technique qui caractérise « tous ces films, savamment montés et sous-tendus par une progression didactique ou dramatique intelligente »57 rend leur propos d’autant plus pernicieux que le film « scientifique » proposé par les ethnologues manque cruellement des attraits nécessaires pour attirer le grand public au dire même de chercheurs comme Leroi-Gourhan, Griaule et Rivet.

La fin de la Seconde Guerre mondiale permet le retour des Actualités françaises (succédant à Pathé Journal en 1945) et la reprise des projections de documentaires en première partie des séances de cinéma commerciales. Jusqu’à la fin des années 196058, Les Actualités françaises ont ainsi proposé au grand public des reportages sur la vie politique nationale et internationale ainsi que sur « le monde », souvent restreint aux frontières de l’Empire colonial et plus particulièrement du bassin méditerranéen comme, par exemple, Île de Rouad (1945), Pèlerins de La Mecque (1947) monté par Denys de la Patellière, Paysans de l’Aurès de Philippe Este (1950), parmi bien d’autres. Le commentaire en voix over souvent ajouté par le distributeur du film reprend les poncifs du documentaire colonial tant sur le plan du contenu (sur des images de danseuses africaines, on peut entendre Jean Cocteau citer un vers de Racine : « Mais pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? ») que sur le plan stylistique avec une pléthore d’adjectifs paternalistes ou péjoratifs, un ton condescendant et pontifiant et l’absence de sons diégétiques et synchrones au bénéfice d’une musique « exotique et rythmée » sans rapport avec les images59. Chez Rouch par exemple, les premières images d’Au pays des mages noirs (1946) sont accompagnées par un discours aux accents colonialistes sur l’aventurier, chasseur et explorateur, qui laisse la place en 1950 (Cimetière dans la falaise) à la présentation d’une carte géographique, garante d’objectivité et destinée ni aux experts ni aux Africains mais aux spectateurs occidentaux, pour parvenir en 1951 avec Yenendi : les hommes qui font la pluie à un commentaire sobre, descriptif et détaillé sur une musique non synchrone mais enregistrée sur le terrain.

La vocation de l’ethnologie moderne à franchir les frontières idéologiques et géographiques dont témoigne le CFE à sa création repose sur la nécessité de reconnaître les spécificités de la culture étudiée, y compris sur le plan linguistique ; le film ethnographique y contribue dès le moment où le commentaire colonial cède la place au son direct grâce à l’évolution de la technologie de prise de son. Il a fallu cependant prendre en compte la difficulté qu’ont posée aux ethnologues français (Germaine Tillion, Denise Paulme, Charles Le Cœur notamment) la pluralité des langues africaines et le monopole absolu de la langue française dans tous les domaines de l’administration coloniale. L’enregistrement synchrone de la parole, fondamental pour le cinéma direct60, n’est donc pas seulement une question technique ; elle est aussi politique comme le montrent les titres des films. Contrairement au documentaire colonial qui affecte tout particulièrement la référence aux noms de lieux exotiques, le film ethnographique « moderne » recentre le sujet sur l’humain et utilise progressivement des mots empruntés aux langues et cultures locales : ainsi Yenendi en 195161. Pour Jean Rouch et les ethnocinéastes français, « L’exigence était de rechercher le point idéal où l’Autre allait enfin donner libre cours à sa parole. […] La recherche des lieux privilégiés de parole est le fondement et le principe d’articulation de tout scénario ethnographique »62. Pourtant la langue locale échappe le plus souvent à la synchronisation et est traitée en son d’ambiance à l’instar de la musique africaine enregistrée en direct. Et, plus tard, c’est en français que Rouch choisira de faire s’exprimer les protagonistes de ses films tournés en Afrique. à ce titre, la création du CFE par sa dimension nationale et son affiliation à une communauté plus européenne qu’internationale laisse augurer les discussions et les débats qu’engendrera la question linguistique aussi bien au sein des pays nouvellement indépendants que dans leurs rapports avec l’ex-métropole jusqu’à nos jours.

Lorsque Rouch proclame en 1953 que « le cinéma ethnographique doit provoquer une démystification, lui qui ne se nourrit que de vérité »63, c’est précisément pour échapper à ce que Noël Burch appelle l’« idéologie documentaire », en arguant d’un degré supérieur d’authenticité. La colonisation comme la Seconde Guerre mondiale ont non seulement porté atteinte au « réalisme » de l’image cinématographique en l’utilisant à des fins de propagande raciste et totalitaire ; elles ont également déconsidéré le genre documentaire en montrant son inféodation à la fable coloniale. Un exemple significatif est la séquence documentaire sur la Casbah au début de Pépé le Moko (Julien Duvivier, 1936) qui constitue un détournement du genre par son inclusion dans un film de fiction, par son propos sexiste et raciste sur certains habitants d’Alger et par le recours à la forme typique du film ethnographique (images en noir et blanc, cadrage approximatif, commentaire en voix over, montage descriptif). Le « style documentaire » sert à valider la fiction, tout comme la qualité des images « commerciales » permet de détourner le documentaire de sa fonction informative.

La création du CFE confirme la nécessité de définir le film ethnographique de manière critique, au sens étymologique du terme, par rapport à des pratiques contemporaines – le cinéma de fiction néoréaliste et le nouveau documentaire sociologique – comme par rapport à des pratiques antérieures – le cinéma grand public de manière générale et le cinéma colonial en particulier. Les années d’après-guerre sont en effet marquées par le débat sur le réalisme au cinéma. Du côté du film narratif, l’approche néoréaliste avec l’utilisation d’un style pseudo-documentaire (noir et blanc, acteurs non professionnels, décors naturels) permet depuis 1943 de défier l’artifice de la fiction pour renvoyer aux réalités de la société contemporaine, voire pour André Bazin à une réalité spirituelle, sans pour autant renoncer à faire du cinéma, à raconter une histoire, à s’afficher comme représentation. Le réel est évoqué sous la forme de la fiction et la fiction n’a pas prétention à se faire passer pour le réel. C’est donc moins par rapport au documentaire discrédité par son utilisation pendant la colonisation et la guerre que par rapport au film de fiction que le film ethnographique peut se définir comme étant le seul « cinéma du réel ». Il ne perd ainsi ni sa légitimité ni son efficacité en ayant recours aux moyens de la fiction, y compris la narration que Jean Rouch revendique dès Bataille sur le grand fleuve (1951) et concrétise avec Moi, un noir (1958) avant de se lancer dans l’ethnofiction à partir de La Pyramide humaine (1961).

En même temps et pour les mêmes raisons, se forme à l’époque, à la suite de Jean Vigo, avec Georges Lacombe, Georges Rouquier, Yannick Bellon, François Reichenbach, Chris Marker, Alain Resnais et Nicole Védrès, une nouvelle école documentariste dont la dimension sociologique permet d’éviter la compromission coloniale. Le film ethnographique occupe donc le créneau qui lui est réservé entre les tendances réalistes du film de fiction et les nouvelles orientations du documentaire d’après-guerre. L’exemple de Jean Rouch est encore une fois révélateur en ce qu’il a toujours réclamé cette double filiation cinématographique : populaire et scientifique, « Robin des bois et Nanook »64, fiction et documentaire en termes de genre et d’ancrage institutionnel avec Hollywood, l’industrie du cinéma, d’un côté, et le Musée de l’Homme, quartier général de l’ethnologie, de l’autre. Lorsque les jeunes critiques de cinéma de la fin des années 1950 appelleront de leurs vœux une alternative à la « tradition de la qualité française », ils feront les louanges du film ethnographique qui n’est ni un rival ni un modèle pour le film de fiction, mais une source d’inspiration. Déjà reconnu lors des Journées du film ethnographique à la Biennale de Venise en 1953 et dans le cadre du Festival du film maudit de Biarritz où Rouch obtint en 1949 le Grand prix pour Initiation à la danse des possédés (1949), le film ethnographique sera ensuite distingué par André Bazin, Jean-Luc Godard et les critiques des Cahiers du cinéma pour son audace à sortir des normes commerciales puisqu’il est « cinématographiquement moins parfait que bien des films actuels »65. C’est précisément malgré son retard dans le domaine de l’expertise et de la technologie commerciales de l’époque66 (format 35mm, pellicule couleur, montage professionnel67, son synchrone) que le film ethnographique trouve sa place et sa légitimité dans le paysage cinématographique, outre sa différence radicale en termes d’objectifs, d’auteurs et de sujets. Il s’inscrit ainsi dans la perspective des praticiens et critiques du cinéma français qui comprennent leur époque comme celle du changement – idéologique, technologique et économique – avec un certain « optimisme », pour reprendre le terme de Paul Rivet, qui sera bientôt assombri par les guerres coloniales et les révoltes de la fin des années 1960.

Une différence importante sépare néanmoins les ethnocinéastes à la fois des réalisateurs de la tradition française et des futurs auteurs de la Nouvelle Vague : pour André Bazin, « toute recherche esthétique fondée sur une restriction de son audience est donc d’abord une erreur historique vouée d’avance à l’échec »68. Les membres du CFE font preuve d’une attitude plus nuancée. Certes, les objectifs de diffusion et de rayonnement encouragent les auteurs de films ethnographiques à prétendre non seulement au circuit international du cinéma documentaire au même titre que Nanouk l’Esquimau (Robert Flaherty, 1922), Que Viva Mexico ! (Serguei Eisenstein, 1931) ou Terre sans pain (Luis Buñuel, 1932), mais aussi au réseau d’exploitation commerciale en première partie des films de fiction69 ou encore au circuit alternatif créé par le Front populaire pour un public populaire éclairé (salles de cours, lieux associatifs, ciné-clubs)70. Il faut cependant noter que, formés par l’exemple du Musée de l’Homme à la nécessité d’une ouverture au grand public tout en étant soucieux de garder leur légitimité scientifique, les ethnocinéastes ne font pas du succès public leur objectif principal : « soit les films auront une bonne carrière, soit ils resteront dans les musées ou les cinémathèques, ce qui est très bien »71.

De l’expression à l’expérience

Si la proximité de la Cinémathèque et du Musée de l’Homme incarne dans l’espace l’alliance revendiquée par Rivet et Leroi-Gourhan entre la recherche ethnographique et les techniques cinématographiques, on peut noter que les jeunes ethnologues sont également à deux pas du Théâtre de Chaillot, un autre lieu marquant de la culture intellectuelle et artistique parisienne à l’époque de la création du CFE. Le théâtre d’après-guerre, oscillant entre l’innovation provocatrice avec Ionesco, Adamov et Artaud et le souci d’une diffusion populaire avec Jean Vilar et la création du Festival d’Avignon en 1947, se pose la question des publics visés et de son rapport au cinéma dans des termes similaires à ceux des ethnologues. Comment restituer le caractère unique d’une performance dès le moment où elle est enregistrée par la caméra, voire reconstituée par le montage et la réécriture ?

L’ethnologie s’est trouvée très tôt confrontée aux problématiques du spectacle vivant par l’extension de son domaine de recherche conjuguée à l’utilisation du cinéma pour documenter les gestes, les mouvements, les « techniques du corps » selon l’expression de Marcel Mauss72. Certes, comme l’explique Laurent Guido, la capacité du langage cinématographique à saisir « la théâtralité du drame » a été repérée, bien avant André Bazin, par les « théoriciens de la danse des années 1920, par exemple André Levinson, qui proposa […] que le cinéma devrait en tant qu’art du mouvement non pas essayer de restituer le rythme naturel des corps dansants, tournoyant et piétinants, mais chercher par ses propres moyens ‹ l’illusion obtenue par le fréquent changement de cadres et le grossissement éloquent des plans de détails › »73. En revanche, la question de la mise en scène a connu en ethnologie un traitement plus problématique. Pour Marcel Griaule, « il ne faut pas demander aux indigènes une reconstitution ni même une répétition. Chez eux tout est spontané, et si on les embarrasse de détails ils sont perdus »74. Le refus de toute mise en scène dans le « genre ethnographique » est donc justifié au nom d’une différence, voire d’une « déficience », du sujet filmé. Dans les années 1950, c’est le rôle de l’ethnologue, au nom de l’authenticité du spectacle, de rétablir la possibilité d’une mise en scène à la fois dans la performance et dans sa captation filmique, ce que Rouch développera ensuite avec la pratique de l’ethnofiction. Les fameux textes de Bazin sur l’adaptation du théâtre au cinéma permettent de définir la place spécifique du film ethnographique en le distinguant de « la dramaturgie [dont] l’homme est cause et sujet » et du cinéma où « l’homme n’est pas foyer du drame mais centre d’un univers »75. Le recentrement de l’ethnologie – ni philosophie ni anthropologie – sur la pratique76 par le biais de la caméra participante et de la ciné-transe constitue une réponse moderne, voire postcoloniale, aux débats sur la performance, entre improvisation et répétition, entre spontanéité et mise en scène, entre objet filmé et sujet filmant, qu’elle soit applicable au spectacle vivant ou à son enregistrement par le cinéma.

Il est aussi possible d’y voir une nouvelle étape du processus d’appropriation et d’occidentalisation de la culture africaine qui place le film ethnographique dans la filiation de l’épisode surréaliste (ce que Colleyn désigne comme le « surréalisme » ethnographique77). L’expérience de l’altérité se transforme en une expérience alternative dans le contexte d’une société colonialiste et paternaliste. Les images animées conjuguées aux rythmes musicaux se révèlent alors être le medium le plus adapté non seulement pour représenter mais aussi pour expérimenter les mouvements du corps et les pulsions du psychisme, inaccessibles à la raison et à la culture occidentales.

Cette expérience conserve ainsi une dimension universelle au regard des théories positivistes et psychanalytiques tout en incorporant une dimension exotique par son rapprochement avec l’animisme, la transe et la pratique rituelle (on se rappelle que les recherches doctorales de Rouch portaient sur la religion et la magie songhay). Angela Della Vacche souligne que le cinéma « démontre en effet une affinité tant avec la contingence et l’arbitraire incontrôlables de la nature qu’avec le téléscope et le microscope, qui donnent à voir le monde tel qu’il existe au-delà des limites imposées par l’œil humain et permettent donc de congédier le sujet tel qu’il est conçu par un humanisme éculé et nombriliste »78. Avec sa double affiliation – ethnologie et cinéma, « enfants jumeaux d’une entreprise commune de découverte, d’identification, d’appropriation […] du monde et de ses histoires » pour reprendre la formule de Marc-Henri Piault79 –, le CFE se révèle ainsi proche des ambitions et des méthodes d’un autre projet où l’art africain et l’image photographique ont une place essentielle : Le Musée imaginaire proposé en 1947 et complété en 1951 par André Malraux80.

La filiation surréaliste qui permet aux jeunes ethnologues de transformer leur démarche scientifique en expérience sensorielle et psychique est ancrée dans une tradition d’appropriation de la culture africaine qui s’effectue depuis les années 1920 selon des critères esthétiques occidentaux. Certes, ce « moment de vogue culturelle et intellectuelle pour l’exotisme […], les ‹ arts nègres ›, la ‹ mentalité primitive ›, la psychanalyse, les mythes, le surréalisme, la relativité générale, le jazz »81 réorganise la culture autrement au sein de la taxinomie artistique occidentale : l’art africain dans le domaine des arts graphiques (sculpture, puis peinture cubiste et photographie avec Man Ray notamment), le jazz82 dans le domaine musical via l’étape américaine, et, comme on l’a vu, la danse dans le domaine des arts de la performance. Dans la société française des années 1950 dont l’éthique humaniste a été sérieusement mise à mal par la Seconde Guerre mondiale, les exactions coloniales et les génocides, la recherche d’une alternative aux discours philosophiques occidentaux inspirés de l’approche kantienne et phénoménologique trouve dans le film ethnographique une forme nouvelle d’expression et de connaissance née de la rencontre avec l’Autre. Il répond, en effet, à l’attrait pour « la part de spirituel […] si précieuse à ceux qui, éblouis par les lumières de la Raison [ont] fini par en oublier la source, la nécessité et le sens »83. Le film ethnographique s’attache à donner un accès, voire un sens à la culture de l’Autre, tout en satisfaisant les aspirations de la culture occidentale. Contrairement aux films de fiction de l’époque, tournés en studio avec un équipement lourd et des techniciens qualifiés, le film ethnographique s’empare des corps en mouvement, des regards aux aguets et des sens en éveil dans leur propre espace avec leur propre rythme : « nous faisons l’expérience du spectacle d’une manière quasiment mystique en nous intégrant mentalement dans les personnages et les actions », constate Edgar Morin à propos de Chronique d’un été84. Renouant ainsi avec l’intuition de Félix-Louis Régnault – la capacité des images animées à saisir les mouvements du corps – comme avec ses préjugés essentialistes – l’altérité du corps ethnique –, le film ethnographique n’échappe pas à la fascination pour ces « scènes étranges [qui] servent de métaphores à un savoir mystérieux sur la vie »85.

La caméra participante a, en effet, la capacité d’assurer les déplacements géographiques, physiques, iconographiques, culturels et psychiques que requiert sa double fonction, épistémologique et esthétique :

[…] la caméra mobile, la caméra qui marche, qui vole, c’est notre rêve à tous ! Faire un film, c’est l’écrire avec ses yeux, avec ses oreilles, avec son corps : être à la fois invisible et présent, ce qui n’arrive jamais dans le cinéma traditionnel. […] En général ethnologues et négrologues [sic] ont tendance à se faufiler sous la peau des Noirs pour la leur arracher.86

Au moment même où Frantz Fanon publie Peaux noires, masques blancs87 pour dénoncer l’aliénation du colonisé et les stratégies d’oppression par la technologie, la culture et les médias, l’ethnologie d’après-guerre tente de répondre à la fracture coloniale par « le contact réel entre celui qui filme et ceux qui sont filmés »88, l’espoir d’un brouillage des frontières entre sujet et objet, entre raison et sensation, bref un « fantasme, une ‹ utopie › […] d’identification à l’autre selon une stratégie de fusion »89 et une synergie qui ne remettrait pas fondamentalement en cause la structure coloniale et la place du subalterne, bien loin des concepts d’hybridité, d’identités multiples, du « tout-monde » que proposera plus tard la théorie postcoloniale. Le discours scientifique et le médium cinématographique se combinent pour résoudre le paradoxe politique, esthétique et psychique de la situation coloniale sans pour autant appeler à sa suppression définitive.

La filiation surréaliste tout comme la nouvelle fonction donnée au film ethnographique (passer de l’expression à l’expérience) conduisent à s’interroger sur le statut de celui-ci comme objet « dans un monde post-Duchamp [où] il est impossible de ne pas esthétiser ce qui est exposé dans un musée »90. Non seulement les objets des cultures autres, artistiques ou non, sont réappropriés par l’œil occidental, mais tout objet de la culture occidentale est susceptible d’être exposé et doté d’un statut artistique. Le film ethnographique qui participe à ce processus en tant que medium est appelé selon cette logique à prendre le statut d’objet artistique en soi, créé par l’ethnocinéaste tel que l’ont défini Leroi-Gourhan et Rouch. Le résultat d’une investigation scientifique sur les danses et les rituels finit par être lui-même objet de spectacle et se retrouve au cœur des enjeux posés aux musées ethnologiques, hier le Musée de l’Homme et aujourd’hui le Musée du quai Branly. Ont-ils vocation, comme le proposait le marchand d’art Jacques Kerchache, à offrir au public la capacité de « jouir devant l’objet, l’admirer, sans s’appuyer sur des béquilles ethnographiques »91, hors de tout contexte scientifique et historique ? La caméra de l’ethnologue se retourne contre son auteur pour le soumettre au regard du Même. Le « nombrilisme » formaliste fait courir au film ethnographique le risque d’être réduit non plus au statut de carnet de notes imagé du travail sur le terrain, mais à celui d’objet patrimonial qu’il est possible et nécessaire de préserver au même titre que les objets ethnographiques.

Entre ces deux options, le CFE offre un moyen terme en concrétisant en 1953 le « musée du cinéma » voulu par Félix-Louis Régnault dès 1900. De fait, la Cinémathèque créée en 1936 sous la direction d’Henri Langlois au Palais de Chaillot92 est propice aux rencontres entre jeunes ethnologues et étudiants de l’IDHEC. L’alliance institutionnelle entre l’ethnologie et le cinéma se confirme avec l’invitation du CFE à la Biennale de Venise de 1953 par l’entremise de Langlois. En effet, une même préoccupation – la collecte de documents culturels menacés de disparition – rapproche le musée ethnologique et la cinémathèque. Pourtant, en 1953 Jean Rouch précise qu’un des projets du CFE est de « constituer, en liaison avec la Cinémathèque française, une cinémathèque ethnographique comprenant non seulement des films français et étrangers mais encore les chutes des films déformés à des fins commerciales »93. Le film ethnographique est donc initialement conçu comme occupant une place à part, entre, d’un côté, les préoccupations d’une ethnologie sensible à l’impact de la colonisation sur son objet d’étude et à la nécessité de l’archivage urgent des sociétés « traditionnelles » recommandé par Marcel Mauss, et, de l’autre, les objectifs patrimoniaux auxquels le monde du cinéma est sensibilisé en un demi-siècle d’existence pour des raisons politiques, techniques et esthétiques. De fait, l’approche positiviste et humaniste qui prédominait au début du siècle dans les sciences et les arts, et qu’incarnait le projet des Archives de la Planète mené par Albert Kahn à l’aide des nouvelles technologies94, est mise à mal par la guerre et la décolonisation : désormais le musée ethnographique « n’est pas envisagé comme un lieu de conservation, mais comme un espace de production qui relaie la mémoire du cinéma »95 et inclut le film comme un instrument essentiel à sa vocation, avant l’entrée dans l’ère du « musée post-ethnologique »96. Inversement le film devient lieu de mémoire au sens que lui donnera Pierre Nora97 plus tard et confirmera le rôle essentiel de la Cinémathèque française dans la constitution d’un patrimoine cinématographique.

C’est donc en termes de synergie et de complémentarité, à l’image de leur présence au Trocadéro, que le musée ethnographique et la cinémathèque concourent à l’émergence du film ethnographique comme une passerelle entre deux pratiques non seulement en termes de filiation, de tradition et d’histoire, mais aussi au service de l’innovation et de la spécialisation. La création du CFE en confirmant son alliance avec la cinémathèque confère au film ethnographique une portée qui dépasse son objet en l’orientant résolument vers l’avenir : celui d’un champ disciplinaire – l’ethnocinématographie –, d’une école – le cinéma du réel – et d’une œuvre – celle de Jean Rouch et de sa vision :

N’y a-t-il pas autre chose à faire que de mettre en vitrine des objets merveilleux ? Le cinéma devrait donner la réponse en fabriquant de l’imaginaire. Un patrimoine doit déboucher sur l’imaginaire, comme l’a réussi Henri Langlois avec son musée du Cinéma. Et c’est, à mon sens, ce que devrait être le nouveau musée de l’Homme, non plus les vitrines glacées des sciences humaines, mais des fenêtres ouvertes sur un monde non pas figé mais animé par la magie du cinéma.98

Conclusion

Le Comité du Film Ethnographique a connu une postérité prestigieuse et indiscutable, malgré les écueils et les ambiguïtés imputables au contexte de sa création au début des années 1950 sous l’effet de la reconstruction de l’Europe, des débuts de la guerre froide et de l’amorce de la décolonisation. La décision de créer le CFE peut être considérée comme la consécration d’une autonomie et d’une légitimité que Rouch et d’autres ethnocinéastes ne cesseront de confirmer et développer. Pourtant, aujourd’hui, les objectifs que s’étaient fixés les fondateurs du CFE conduisent à un bilan plus mitigé dans le contexte contemporain. Les efforts d’ouverture et de synergie prônés par les ethnocinéastes n’ont pas empêché, lors de la création du Musée du quai Branly, le retour de la division entre partisans de la contextualisation des objets ethnologiques et ceux de leur mise en valeur esthétique au détriment de la recherche et de l’accès à la science. Ce « débat franco-français » atteste que « le centralisme culturel, le rôle du dirigeant politique et la question de l’homogénéité sociale dans la République française » ont perduré dans l’après-guerre99.

Certes, le rayonnement international du film ethnographique français dont témoigne le numéro spécial de Visual Anthropology paru en hommage à Jean Rouch100 confirme le succès de la mission que s’était donnée le CFE : pour Alice Gaillois, il a permis « l’entrée du cinéma ethnographique dans le milieu universitaire [et sa] reconnaissance institutionnelle. Il peut désormais se targuer d’être une discipline à part entière – que certains nomment anthropologie visuelle ou anthropologie filmique – sans pour autant se cloisonner au seul monde de la recherche »101. Mais l’optimisme d’Alice Gallois n’est pas partagé par le président du Musée du quai Branly, Stéphane Martin, pour qui l’ethnologie reste une discipline qu’aujourd’hui « le grand public […] souvent connaît mal »102. La conception même du travail de l’ethnocinéaste selon les termes de Leroi-Gourhan et Rouch semble être remise en question par la projection dans le nouveau musée « des extraits de films réalisés sur le terrain […] et diffusés sans commentaire pour mettre les spectateurs dans la position du chercheur en pleine observation »103. Et l’ethnologue Anne-Christine Taylor, qui y a dirigé le Département de la recherche et de l’enseignement entre 2005 et 2013, déplore l’épuisement progressif du « modèle du laboratoire du CNRS implanté dans un musée avec l’espoir des synergies automatiques [qui] a marché pendant une dizaine d’années après la création du musée de l’Homme »104 et a permis aux ethnocinéastes de financer leurs missions sur le terrain, d’acquérir la technologie nécessaire à leur pratique et de consacrer leur temps à la réalisation de leur mission. Que dire, enfin, soixante-cinq ans après la fin de la guerre d’Indochine, des difficultés qu’ont encore les états indépendants à rapatrier les objets collectés par les ethnologues et à assurer le développement de la production et de la diffusion de leur cinéma national ?

1 Sur les rapports entre colonialisme et cinéma dès les premiers temps, voir notamment Robert Stam et Louise Spence, « Colonialism, Racism and Representation » (Screen, vol. 24, no 2, mars 1983, p. 20).

2 Le CIFES concrétise le projet de création d’un Bureau international du film d’ethnographie et de géographie humaine lancé lors du premier Congrès qui s’était tenu en 1947 sous la présidence d’André Leroi-Gourhan au Musée de l’Homme en présence de scientifiques d’une douzaine de pays.

3 Le Musée de l’Homme fut créé à l’occasion de l’Exposition internationale de 1937 pour remplacer l’ancien Musée d’ethnographie du Trocadéro.

4 Alice Gallois, « Les images animées au Musée de l’Homme ou la rencontre de deux mondes (1930-1950) », Conserveries mémorielles, no 16, 2014, p. 7, mis en ligne le 25 septembre 2014, consulté le 26 mai 2018 (http://journals.openedition.org/cm/1980).

5 Les grandes lignes de la mission de Reynaud correspondent à celles du Musée de l’Homme en général. Voir Christine Laurière, « Introduction », dans André Delpuech, Christine Laurière et Carine Peltier-Caroff (éd.), Les Années folles de l’ethnographie. Trocadéro 28-39, Paris, Muséum national d’Histoire naturelle, 2017, p. 28.

6 Jean Rouch, « Majorité du film ethnographique », Courrier du CNRS, no 17, 1975, cité par Alice Gallois, « Le cinéma au Musée de l’Homme : la construction d’un patrimoine, l’invention d’une culture ? », Journal des anthropologues, no 134-135, 2013, pp. 375-392.

7 Le CNRS est, dans les années 1950, la seule institution susceptible d’allouer des crédits d’équipement ou de fonctionnement et de créer des postes de collaborateurs techniques.

8 Julien Bordier, « Un triste visage de la république : le musée du quai Branly », Variations, no 9-10, 2007, p. 120.

9 Il est à noter que le Musée de l’Homme abrita de 1940 à 1942 un des premiers groupes de résistants contre l’Occupation nazie. Voir Martin Blumenson, Le Réseau du Musée de l’Homme, Paris, Seuil, 1979.

10 Sur la question terminologique, voir Séverine Graff, « ‹ Cinéma-vérité › ou ‹ cinéma direct › : hasard terminologique ou paradigme théorique ? », Décadrages, no 18, 2011, pp. 32-46.

11 Rouch deviendra ensuite secrétaire général du CIFES et créera le Comité international du cinéma et de la télévision en 1956. Voir Luc de Heusch, « Jean Rouch et la naissance de l’anthropologie visuelle. Brève histoire du Comité international du film ethnographique », L’Homme, no 180, 2006, pp. 43-71.

12 Conformément à sa définition dans le dictionnaire Larousse : « réunion de personnes déléguées par une assemblée, par une autorité, constituant un organe collégial de gestion, de consultation, de décision ».

13 Un cours d’initiation aux techniques cinématographiques a été proposé aux jeunes ethnologues par André Leroi-Gourhan dès 1948 avant d’être confié à des étudiants avancés de l’IDHEC.

14 Christine Langlois, Alain Morel et Jean Rouch, « Le Bilan du film ethnographique : entretien avec Jean Rouch », Terrain, no 7, octobre 1986, mis en ligne le 19 juillet 2007, consulté le 28 mai 2018 (http://journals.openedition.org/terrain/2920).

15 Notamment par la participation des jeunes ethnologues aux cours de l’IDHEC (et inversement l’enseignement de cours par les étudiants avancés de l’IDHEC à l’Institut d’ethnologie). L’IDHEC, fondé en 1943, constitue en effet un modèle pour les fondateurs du CFE par sa mission de formation à la fois technique, artistique et théorique ainsi que par son indépendance vis-à-vis de l’état.

16 Rouch constate en 2006 le profit qu’il a tiré de cette double affiliation : « Je dis toujours, en plaisantant, que pour les cinéastes je suis ethnographe et pour les ethnographes je suis cinéaste : ainsi je ne suis nulle part, ce qui est bien commode » (« Le Bilan du film ethnographique : entretien avec Jean Rouch », op. cit.).

17 Le renouvellement de l’anthropologie s’effectuera à cette époque par l’élargissement des recherches sur le terrain à l’ensemble des continents, l’institutionnalisation de l’ethnologie en France, son ouverture à la pluridisciplinarité, l’arrivée des théories structuralistes et le développement d’une sociologie concernée par la « situation coloniale » avec Georges Balandier et l’interpénétration des civilisations avec Roger Bastide. Voir le programme et le résumé des communications du Colloque international Bérose-ANR : « Années 50 : aux sources de l’anthropologie française contemporaine », mis en ligne le 25 septembre 2017, consulté le 28 mai 2018 (www.histoiredroitcolonies.fr/Colloque-international-Berose-ANR-VISA-Annees-50-Aux-sources-de-l-anthropologie-2150).

18 Voir Philippe Soulier, « La Construction du concept d’ethnologie chez Leroi-Gourhan durant la décade 1945-55 », communication donnée dans le cadre du colloque Bérose-ANR de 2017 « Années 50 : aux sources de l’anthropologie française contemporaine », op. cit.

19 D’après Bruno Lefebvre (« Qui sont les ‹ ethnologues du domaine français › ? », Journal des anthropologues, no 94-95, 2003, pp. 213-240), aujourd’hui « les étudiants en ethnologie (et en sociologie) sont plutôt des jeunes femmes, la proportion de celles qui se professionnalisent est seulement d’un tiers ».

20 Madeleine Rousseau qui enseignait l’art abstrait à l’IDHEC, au Musée de l’Homme et à l’Association populaire des amis des musées (APAM) partageait les idées du Front populaire tant sur le plan de l’éducation populaire que sur son attitude réformiste à l’égard de la situation coloniale. Elle s’est cependant opposée à nombre d’ethnologues, marchands d’art et historiens d’art pour les convaincre de mettre l’art africain sur un pied d’égalité avec l’art occidental. Voir Danielle Maurice, « L’art et l’éducation populaire : Madeleine Rousseau, une figure singulière des années 1940-1960 », Revue d’Histoire de l’art, no 63, octobre 2008, pp. 111-121.

21 Il est le cinquième à avoir reçu ce diplôme après Marcel Griaule en 1938, André Leroi-Gourhan en 1945, Claude Lévi-Strauss en 1947 et Germaine Dieterlen en 1951.

22 Le poste de Rouch au CNRS le dispensait d’enseigner, mais il a tout au long de sa carrière soutenu la formation des ethnocinéastes, notamment par la création de programmes doctoraux à l’Université de la Sorbonne et à l’Université Paris X-Nanterre (avec Colette Piault, Claudine de France et Enrico Fulchignoni), la direction de thèses de doctorat et sa participation au séminaire de DEA « Cinéma et Sciences humaines » à la Cinémathèque. Voir Paul Henley, The Adventure of the Real : Jean Rouch and the Craft of Ethnographic Cinema, Chicago, University of Chicago, 2010, p. X.

23 Jean Rouch, « Le film ethnographique », dans Jean Poirier (éd.), Ethnologie générale, Paris, La Pléiade, Gallimard, 1968, pp. 429-430, cité par Alice Gallois, « Les images animées au Musée de l’Homme ou la rencontre de deux mondes (1930-1950) », op. cit.

24 Voir le site du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative à l’Université Paris Ouest : http://naissanceethnologie.fr et en particulier Sophie Blanchy, Marie-Dominique Mouton et Fréderic Dubois (éd.), « à la naissance de l’ethnologie française. Les missions ethnographiques en Afrique subsaharienne (1928-1939) » (http://passes-present.eu/fr/la-naissance-de-lethnologie-francaise-les-missions-ethnographiques-en-afrique-subsaharienne-1928-365).

25 Titre de la conférence donnée par Jean Rouch pour présenter la création du CFE aux Journées du film ethnographique à la Biennale de Venise en 1953. Voir Jean Rouch, « Renaissance du film ethnographique », Geographica Helvetica, vol. 8, no 55, 1953 (https://doi.org/10.5194/gh-8-55-1953).

26 Avec des conséquences à long-terme selon Jean-Pierre Digard, « Musée du quai Branly, dialogue des cultures ou monologue ? », L’Homme, no 185-186, 2008, pp. 452-453 : ce sont les « autorités de tutelle et […] assemblées de mandarins qui sont les véritables responsables du lent (et indéniable) naufrage du Musée de l’Homme » sans compter les « générations d’ethnologues dont le tort principal est d’avoir appartenu, les uns à des époques révolues, les autres à des institutions perdantes ».

27 Le cinéma français compte alors peu de réalisatrices en dehors des pionnières du cinéma de fiction Alice Guy-Blaché, Germaine Dulac et Jeanne Roques, dite Musidora, et des documentaristes Nicole Védrès et Yannick Bellon.

28 Jean-Paul Colleyn note que Rouch préférait être appelé filmmaker plutôt que réalisateur. On peut même considérer que Rouch se constitue en « auteur » dès que se mettent en place les caractéristiques d’un style qui lui est propre avec « des lignes d’horizon penchées, des raccords de montage atypiques, […] l’allure chaotique de films soumis aux aléas de l’instant et de l’improvisation » qui, plutôt que des « imperfections », apparaissent comme autant de marques d’énonciation et figures de style. (« Jean Rouch, presque un homme-siècle », L’Homme, no 171-172, 2004, pp. 537-538).

29 Voir à ce sujet Geneviève Sellier, La Nouvelle Vague. Un cinéma au masculin singulier, Paris, CNRS éditions, 2005.

30 A partir de 1956, « Le Magazine des explorateurs » présenté par Pierre Sabbagh et diffusé par l’ORTF proposera aux téléspectateurs de nombreux films ethnographiques ainsi que des entretiens, notamment avec Jean Rouch et Paul Rivet.

31 De fait, l’administration française exige à partir de 1934 une autorisation de filmer dans les colonies au vu des risques posés par les revendications réformistes et les velléités d’indépendance.

32 Voir Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République. L’ardeur et la nécessité (1944-1952), Paris, Seuil, 1980.

33 Voir notamment Simone de Beauvoir, « Pour Djamila Boupacha », Le Monde, 2 juin 1960.

34 En 1948, Jean-Paul Sartre publie, sous le titre d’« Orphée noir », la préface à l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française éditée par Léopold Sédar Senghor. Voir Kathleen Gyssels, « Sartre postcolonial ? Relire ‹ Orphée noir › plus d’un demi-siècle après », Cahiers d’études africaines, no 179-180, 2005, pp. 632-634, mis en ligne le 1er janvier 2007, consulté le 4 septembre 2018 (http://journals.openedition.org/etudesafricaines/14952).

35 Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce, Paris, Albin Michel, 1984, p. 372.

36 Emmanuelle Sibeud, Une science impériale pour l’Afrique ? La construction des savoirs africanistes en France, 1878-1930, Paris, éditions de l’EHESS, 2002, p. 267, cité par Christine Laurière, « L’épreuve du feu des futurs maîtres de l’ethnologie », dans André Delpuech, Christine Laurière et Carine Peltier-Caroff (éd.), Les Années folles de l’ethnographie. Trocadéro 28-39, op. cit., p. 443.

37 Sept ans plus tard, le Congrès international des sciences anthropologiques et ethnologiques au Musée de l’Homme de Paris réunira plus de 1200 délégués et s’affichera comme une organisation « transcontinentale ».

38 Jean Sauvy, Jean Rouch tel que je l’ai connu, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 16.

39 Parmi les victimes de la répression nazie, trois membres du personnel du Musée de l’Homme ont été fusillés ; les ethnologues Germaine Tillion, Yvonne Oddon, Bernard Maupoil ont été déportés, alors que d’autres ont pu quitter la France, notamment Claude Lévi-Strauss parti pour le Brésil, Alfred Métraux pour les états-Unis, Jacques Soustelle à Londres et Paul Rivet pour la Colombie.

40 Jean-Luc Godard ne manque pas de remarquer dans sa critique de Moi, un noir le « discours mi-Céline mi-Audiberti » de Petit Jules sur la perte de l’Indochine (voir « étonnant (Moi, un noir, Jean Rouch) », Art, no 713, 11 mars 1959, repris dans Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, vol. 1, Paris, Cahiers du cinéma, pp. 177-178).

41 Mais son intervention sera coupée au montage par Jean Rouch et Edgar Morin qui, malgré la dimension politique du film, « n’ont pas fait un film militant qui pousse les spectateurs vers une voie d’action déterminée » (Sam Dilorio, « Total Cinema : Chronique d’un été and the End of Bazinian Film Theory », Screen, vol. 48, no 1, printemps 2007, p. 36 et 40).

42 Voir Alice Conklin, In the Museum of Man : Race, Anthropology, and Empire in France, 1850-1950, Ithaca, Cornell University Press, 2013, chapitres 1 et 2.

43 Voir Pierre Singaravélou, L’école française d’Extrême-Orient ou l’institution des marges (1898-1956). Essai d’histoire sociale et politique de la science coloniale, Paris, L’Harmattan, 1999, cité par Alice L. Conklin, In the Museum of Man : Race, Anthropology, and Empire in France, 1850-1950, op. cit., p. 191.

44 Jane Rouch, Nous n’irons plus aux bals nègres : le Tiers-monde en miettes, Paris, Scarabée et Compagnie, 1984, p. 50. Voir aussi René Prédal (éd.), « Jean Rouch, ou le ciné-plaisir », CinémAction, n° 81, 1996.

45 Nathalie Coutelet, « Habib Benglia et le cinéma colonial », Cahiers d’études Africaines, no 191, 2008, p. 534.

46 Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Paris, Plon, 1955.

47 Les bobines sont montées clandestinement dans une école maternelle d’Argenteuil et sonorisées par des musiciens africains dans le parc voisin avec un commentaire écrit et lu par René Vautier. Le film sera saisi jusqu’en 1995, date à laquelle le Ministère des Affaires étrangères le rend officiellement à René Vautier en présence de Jean Rouch, le film ayant circulé à travers le monde à titre d’exemple de l’anticolonialisme français dans les années 50. Voir François Bovier et Cédric Fluckiger, Entretien avec René Vautier, « Afrique 50 », entretien filmé, mars 2008 (https://vimeo.com/142377450).

48 L’année de la création du CFE marque la fin de la guerre d’Indochine avec la bataille de Diên Biên Phu (20 novembre 1953-7 mai 1954), moins de dix ans après la déclaration d’indépendance prononcée par Hô Chi Minh à Hanoï en 1945.

49 Le Rendez-vous des quais tourné par Paul Carpita à Marseille entre 1950 et 1953 fait allusion à la guerre d’Indochine. Après une première présentation en 1955, il sera frappé d’interdiction avant de sortir en 1990.

50 Chronique d’un été relate brièvement les vacances de ses « acteurs » dans la région de Saint-Tropez.

51 Selon Olivier Barlet (Les Cinémas d’Afrique des années 2000. Perspectives critiques, Paris, L’Harmattan, 2012), le film de Mamadou Touré est en fait précédé par Zohra (1922) du Tunisien Albert Samama-Chikli, le documentaire de Raberono sur le centenaire de la mort de Rasalama Rafaravavy à Madagascar (La Mort de Rasalama, 1937/1947) et La Leçon de cinéma (1951) d’Albert Mongita tourné au Congo belge. Voir aussi Sébastien Layerle (éd.), avec Monique Martineau-Hennebelle, « Chroniques de la naissance du cinéma algérien. Guy Hennebelle, un critique engagé », CinémAction, no 166, juin 2018.

52 Serge Ricci a réalisé Noces d’eau sur les pêcheurs maliens avec Jean Capon en 1963.

53 Med Hondo cité par Christiane Passevant et Larry Portis, « Le défi du cinéma africain : entre le culturalisme et l’impérialisme », dans Pascal Dupuy, Christiane Passevant et Larry Portis (éd.), « Cinéma engagé, cinéma enragé », L’Homme et la société, no 127-128, 1998, p. 108.

54 Claudine de France, « Préface à la seconde édition », Cinéma et Anthropologie, Paris, éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1989 [1982], p. 6 (http://books.openedition.org/editionsmsh/6198) : « Certains l’appellent, à la suite de Margaret Mead, anthropologie visuelle ; d’autres, tel Adriaan Gerbrands, ethnocinématographie. Pour ma part, je préfère l’appeler anthropologie filmique, parce que l’usage de la cinématographie donne naissance à des méthodes et des procédés de mise en scène propres, et soulève des problèmes épistémologiques spécifiques ». Claudine de France déplore également le peu d’ouvrages critiques sur le cinéma ethnographique hormis ceux de Luc de Heusch, Cinéma et sciences sociales : panorama du film ethnographique et sociologique (Paris, Unesco, 1962), Karl G. Heider, Ethnographic Film (Austin, University of Texas Press, 1976), et Paul Hockings (éd.), Principles of Visual Anthropology (New York/Berlin, Mouton de Gruyter, 1995).

55 Sur l’utilisation du documentaire comme « propagande », puis « cinéma d’information » avant de devenir l’instrument des « relations publiques » de l’état, voir Sébastien Denis, Le Cinéma et la guerre d’Algérie. La propagande à l’écran (1945-1962), Paris, Nouveau Monde éditions, 2009.

56 Stéphanie Chauvin, « Le cinéma colonial et l’Afrique, 1895-1962 », Vingtième Siècle, revue d’histoire, no 43, juillet-septembre 1994, pp. 143-144.

57 Christian Bosséno, « La bonne conscience du cinéma colonial français », Hommes et migration, no 1131, avril 1990, p. 73.

58 Même si les émissions de télévision ont repris en 1945 dans les studios de Cognacq-Jay, l’équipement des foyers ne se développera qu’à partir de la diffusion en direct du couronnement de la reine Elizabeth ii en 1953.

59 Voir par exemple la fiche descriptive du film Les Grands Cultivateurs du pays Kabré de Raymond Vaudiau, produit au Togo par le Ministère de la France d’outre-mer en 1948, dans le catalogue Films ethnographiques sur l’Afrique noire, UNESCO, 1967, p. 459 : « son authentique, mais de qualité souvent médiocre. Commentaire précis, mais trop verbeux. Ce film d’information présente quelques séquences ethnographiques très intéressantes ».

60 Voir Silvia Paggi, « Voix-off et commentaire dans le cinéma documentaire et ethnographique », dans Christel Taillibert (éd.), « Voix off et narration cinématographique », Cahiers de Narratologie, no 10, 2011, mis en ligne le 18 juillet 2011 et consulté le 28 mai 2018 (http://journals.openedition.org/narratologie/6321).

61 Le cinéaste sénégalais Ousmane Sembene s’est attaché dans cet esprit à utiliser des noms en wolof pour les titres de ses films (Borom Sarret, Xala, Emitai, Faat Kiné, Ceddo, Guelwaar…).

62 Jean Arlaud, « La mise en scène de la parole dans le cinéma ethnographique », Communications, no 80, 2006, p. 82.

63 Christine Langlois, Alain Moret et Jean Rouch, « Le Bilan du Film Ethnographique, entretien avec Jean Rouch », op. cit., p. 77.

64 Voir Maxime Scheinfeigel, Jean Rouch, chapitre 9 « L’invention du mythe », Paris, CNRS éditions, 2008.

65 Jean-Luc Godard, « étonnant (Moi, un noir, Jean Rouch) », op. cit.

66 En effet, le retard technologique du film français par rapport aux productions américaines après la guerre suscite l’intérêt de tous les praticiens, ethnologues y compris, pour les innovations dans ce domaine, notamment la pellicule couleur encore rare en France malgré quelques essais infructueux dont le plus connu est Jour de Fête (1949) de Jacques Tati.

67 Même si, dans ce domaine, de nombreux films ethnographiques, y compris ceux de Germaine Dieterlen et Jean Rouch, ont bénéficié de l’expertise de Suzanne Baron.

68 André Bazin, « Découverte du cinéma. Défense de l’avant-garde », Le Cinéma français, de la Libération à la Nouvelle Vague 1945-1958, Paris, Cahiers du cinéma, 1998 [1948], p. 326.

69 Cimetière dans la falaise (1950) sera ainsi projeté en première partie du film de Jean-Pierre Melville Le Silence de la mer tourné en 1947 et sorti en 1949.

70 Le Club Canudo par exemple présente à la Cinémathèque Au pays des mages noirs (1947) en première partie de Stromboli de Roberto Rossellini (1949) lors de la distribution commerciale du film en France en 1950.

71 Jane Rouch, Nous n’irons plus aux bals nègres : le Tiers-monde en miettes, op. cit., p. 49.

72 Marcel Mauss, « Les techniques du corps », Journal de Psychologie, vol. 32, no 3-4, mars-avril 1936, pp. 271-293.

73 Laurent Guido, « Entre corps rythmé et modèle chorégraphique : danse et cinéma dans les années 1920 », Vertigo, Danses, numéro hors-série, octobre 2005, p. 26.

74  » Entretien de Marcel Griaule avec Georges Fronval (1935) », cité par Pierre Leprohon, L’Exotisme et le cinéma, Paris, J. Susse, 1945, p. 185.

75 Voir André Bazin, « Pour un cinéma impur. Défense de l’adaptation » et « Théâtre et cinéma », Qu’est-ce que le cinéma ?, Paris, Cerf, 2002 [1958-1962], pp. 81-106 et pp. 129-178.

76 Jean Rouch suggèrera à Maria Mallet de créer avec Michel Brault en 1962 un cours à l’Université Paris X-Nanterre intitulé « Techniques corporelles du tournage à la main pour l’anthropologue-cinéaste » et inspiré du mime, des arts martiaux et de la danse.

77 Jean-Paul Colleyn, « Jean Rouch, presque un homme-siècle », op. cit., p. 538.

78 Angela Dalle Vacche, « Bazin ou Eisenstein : le cinéma entre l’art et la vie », dans Angela Dalle Vacche, Philippe-Alain Michaud et Hervé Joubert-Laurencin (éd.), « Cinéma et musée : nouvelles temporalités », Perspective, no 1, 2011, p. 530.

79 Marc-Henri Piault, Anthropologie et cinéma. Passage à l’image, passage par l’image, Paris, Nathan cinéma, 2000, cité par Alice Gallois, « Les images animées au Musée de l’Homme ou la rencontre de deux mondes (1930-1950) », op. cit.

80 Voir Charles-Louis Foulon, Janine Mossuz-Lavau et Michaël de Saint-Cheron, Dictionnaire Malraux, Paris, CNRS éditions, 2011 sur la fascination d’André Malraux pour l’art africain et « sa magie propre sur laquelle, finalement nous n’avons pas d’enseignements décisifs, malgré le savoir des ethnologues » et qu’il fallait « mettre dans cette ligne de fuite qu’est le Musée imaginaire ».

81 Voir Thomas Hirsch, « I’m the Whole Show, Marcel Mauss professeur à l’Institut d’ethnologie », dans André Delpuech, Christine Laurière et Carine Peltier-Caroff (éd.), Les Années folles de l’ethnographie. Trocadéro 28-39, op. cit., p. 398 sqq.

82 Jean Sauvy se souvient avoir écouté chez les parents de Jean Rouch « le dernier disque du trompettiste noir américain Armstrong, qu’il vient d’acquérir » (Jean Rouch tel que je l’ai connu, op. cit., p. 10). Jean-Paul Colleyn rappelle que « pour évoquer la chorégraphie du filmmaker, Rouch […] n’hésitait pas à recourir à la métaphore du jazz » (« Jean Rouch, presque un homme-siècle », op. cit., p. 537).

83 Jean-Pierre Digard, « Musée du quai Branly. Dialogue des cultures ou monologue ? », op. cit., p. 85.

84 Cité par Sam Dilorio, « Total Cinema : Chronique d’un été and the End of Bazinian Film Theory », op. cit., p. 38.

85 Jean-Paul Colleyn, « Jean Rouch, presque un homme-siècle », op. cit., p. 538.

86 Jane Rouch, Nous n’irons plus aux bals nègres : le Tiers-monde en miettes, op. cit., p. 37.

87 Frantz Fanon, Peaux noires, masques blancs, Paris, Seuil, 1952.

88 Jean Rouch, « La caméra et les hommes », dans Claudine de France (éd.), Pour une anthropologie visuelle, Paris, Mouton, 1979 [1973], p. 62.

89 Maxime Scheinfeigel, « Introduction », Jean Rouch, op. cit.

90 Stéphane Martin, président du Musée du Quai Branly, cité par Sarah Hugounenq, « Quai Branly : l’ère du musée post-ethnologique est ouverte », Le Quotidien de l’art, no 1143, 3 octobre 2016.

91 Bernard Dupaigne, Le Scandale des arts premiers. La véritable histoire du musée du quai Branly, Paris, Mille et une nuits, 2006, p. 39.

92 Langlois y avait d’abord animé avec Georges Franju le Cercle du cinéma depuis 1935. Voir Laurent Mannoni, Histoire de la Cinémathèque française, Paris, Gallimard, 2006.

93 Jean Rouch, « Renaissance du film ethnographique », op. cit.

94 Voir Paula Amad, Counter-Archive : Film, the Everyday, and Albert Kahn’s Archives de la Planète, New York, Columbia University Press, 2010.

95 Erik Bullot, « éloge de la voie de garage », dans Angela Dalle Vacche, Philippe-Alain Michaud et Hervé Joubert-Laurencin (éd.), « Cinéma et musée : nouvelles temporalités », Perspective, op. cit., p. 526.

96 Voir Sarah Hugounenq, « Quai Branly : l’ère du musée post-ethnologique est ouverte », op. cit. : « Steven Engelsman, directeur du Weltsmuseum à Vienne, a été le premier à parler d’une nouvelle ère pour les musées d’anthropologie ‹ post-ethnographiques › […] dont l’axe principal aujourd’hui concerne la provenance et l’itinéraire des œuvres recélées par les institutions occidentales ».

97 Voir Pierre Nora (éd.), Les Lieux de la mémoire, 3 vol. , Paris, Gallimard, 1984, 1986 et 1992.

98 Christine Langlois, Alain Morel et Jean Rouch, « Le Bilan du film ethnographique », op. cit., p. 78.

99 Julien Bordier, « Un triste visage de la république : le musée du quai Branly », op. cit.

100 Jeff Himpele et Faye Ginsburg (éd.), « Cine-trance : A tribute to Jean Rouch (1917-2004) », Visual Anthropology, no 107/1, mars 2005.

101 Alice Gallois, « Le cinéma ethnographique en France : le Comité du Film Ethnographique, instrument de son institutionnalisation ? (1950-1970) », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, no 5, 2009, mis en ligne le 1er octobre 2012 et consulté le 28 mai 2018 (http://journals.openedition.org/1895/3960).

102 Entretien de Stéphane Martin avec l’AFP (14-15 mars 2015), https://culturebox.francetvinfo.fr/expos/fete-de-l-ethnologie-au-quai-branly-les-14-et-15-lars-213655.

103 Ibid.

104 Cité par Nicolas Michel, « Musée du quai Branly : entre passion et interrogations », Jeune Afrique, 9 juin 2011 (www.jeuneafrique.com/190959).