Adèle Morerod

Trois figures, une forme

Étude des discours portant sur la sortie de Les Voyages extraordinaires d’Ella Maillart, Bis ans Ende der Traüme et Yvette Z’Graggen : une femme au volant de sa vie

« La mémoire est œuvre de fiction. »1

En l’espace d’à peine une année se sont succédés, sur les écrans suisses, trois films retraçant trois vies : Les Voyages extraordinaires d’Ella Maillart (Raphaël Blanc, CH, juin 2017), Bis ans Ende der Traüme, sur l’histoire d’amour houleuse entre Katharina von Arx et Freddy Drilhon (Jusqu’au bout des rêves, Wilfried Meichtry, CH, février 2018) et Yvette Z’Graggen : une femme au volant de sa vie (Frédéric Gonseth, CH, mai 2018). On ne peut que remarquer cette soudaine mise en avant de figures féminines dans le champ cinématographique helvétique de ces dernières années. Ainsi, à travers des titres pour le moins lyriques, se lit une envie de mettre l’accent sur l’indépendance de ces femmes et, par celle-ci, sur leur actualité, qui légitime le fait d’en ériger encore aujourd’hui le portrait.

Toutefois, malgré la présence constante au générique de la RTS comme coproductrice, difficile de voir dans ces sorties un projet culturel global2. En effet, rien dans les discours qui ont entouré la production et la diffusion de ce trio de films ne permet d’envisager une valorisation du patrimoine suisse, qu’il soit littéraire, historique ou artistique. Par ailleurs, au cours d’entretiens ou au sein des dossiers de presse, les réalisateurs affirment que la rencontre personnelle avec chacune de ces femmes est à l’origine de leur projet. Celle entre Wilfried Meichtry et Katharina von Arx remonte à 2011 et se concrétise déjà en 2015 avec un livre, qui servira de base au film. Pour Gonseth aussi, il s’agit d’un processus au long cours, puisqu’une première idée de documentaire avait été mise en route dix ans auparavant, avec Yvette Z’Graggen, avant que la disparition de cette dernière ne suspende temporairement son entreprise. La rencontre entre Raphaël Blanc et Ella Maillart est plus indirecte, puisqu’elle s’est opérée par le biais de l’œuvre littéraire et photographique de la journaliste. Toutefois, ce dernier a cherché à mieux connaître cette figure fascinante, en partant sur ses traces en septembre 2016, voyage qui constitue l’une des sources centrales du film3. Enfin, des sorties très rapprochées, y compris en ce qui concerne les passages en festivals, semblent exclure également toute idée d’influence mutuelle ou de projet esthétique commun. En effet, il ne s’est passé qu’un mois entre la projection de Bis ans Ende der Traüme à Soleure en janvier 2018 et sa sortie en salles. Et même si Yvette Z’Graggen a été présenté en janvier 2017 à Soleure, soit près d’une année avant sa sortie officielle, au vu de la genèse prolongée de ces films, menés sur plusieurs années, un tel décalage ne peut guère être considéré comme signifiant.

Dès lors, qu’est-ce qui justifie le fait de rassembler ces projets ? Avant tout, pour des raisons d’étiquette, puisque tous trois ont été diffusés en tant que documentaires et adoptent plus précisément les caractéristiques du « docufiction », en tant que documentaire intégrant des scènes reconstituées avec des acteurs. Force est de constater que le terme semble faire largement partie de l’usage actuel, tant celui du grand public que celui de la critique4. Vont donc nous intéresser ici son utilisation dans les discours, promotionnels et critiques, les connotations qui lui sont associées et les problématiques qui en découlent. Il nous semble en effet possible de postuler que, bien que ne participant pas d’un projet commun, ces films suscitent des discours analogues concernant leur forme et les questions qu’elle implique. Il s’agira moins de voir en quoi ces œuvres correspondent à un « genre » clairement établi que de décrire comment les discours qui portent sur eux problématisent la délimitation entre « fiction » et « documentaire », mais peut-être aussi entre film « de cinéma » et « production télévisuelle », termes dont le sens n’a pas à être déterminé précisément maintenant.

Justifier l’usage de la « fiction »

Pourtant courante dans nombre de productions télévisuelles, la pratique consistant à intégrer dans un documentaire des images de scènes jouées parvient plus rarement à gagner les écrans des salles suisses et à y connaître un certain succès. Une exception récente fut Der Kreis (Stefan Haupt, CH, 2014), docufiction sur les cercles homosexuels à Zurich dans les années 1950, qui alternait scènes reconstituées et interviews, mêlées d’images d’archives. Partant, faudrait-il voir dans un tel choix une solution qui puisse faciliter une diffusion tant au cinéma que sur les chaînes ? Blanc tout autant que Gonseth sont en tout cas des habitués de la RTS et du documentaire et il n’est sans doute guère surprenant que la durée de leurs films soit compatible avec celles de la télévision. Dans une interview pour la RTS, le réalisateur des Voyages extraordinaires commente longuement la discrimination qui semble peser sur le documentaire en Suisse, l’excluant des salles de cinéma, à moins d’avoir un soutien conséquent de l’OFC5. Le cas de Bis ans Ende der Traüme est, lui, plus flou, le film étant pensé plus directement pour le cinéma, ainsi que l’établissent dossier de presse et site internet6. C’est par ailleurs le seul des trois films à utiliser ouvertement le terme de docufiction dans son matériel promotionnel, posant ainsi le mélange des modes comme constitutif du long métrage de Wilfried Meichtry (fig. 1).

Ce rapprochement intentionnel entre « documentaire » et « fiction » est tout sauf anodin car il apparaît également au sein des propos que tiennent les trois réalisateurs sur leurs œuvres respectives. Tous mobilisent le même matériel visuel, typique d’un certain style documentaire, à savoir : interviews des protagonistes et de leurs proches, prises de vues actuelles des lieux où se sont déroulées leurs histoires, photographies privées, documents d’archives de l’époque (filmiques ou non) ; et bien sûr, dans des proportions plus ou moins grandes, la reconstitution de scènes de vie au moyen d’interprètes. Toutefois, il n’y a que Meichtry pour expliciter le choix de la fiction comme au moins aussi important que les prises réalisées avec Katharina von Arx ou mettant en valeur ses archives – la présence des comédiens Sabine Timoteo et Christophe Sermet en tête d’affiche le confirme. L’envie de combiner les deux modes intervient d’ailleurs assez tôt dans le processus de création, nourri par les récits imagés de la journaliste7. La reconstitution fictionnalisée viendrait donc illustrer, toujours selon les dires du réalisateur, les moments de déchirements et de partages du couple. Une forme de dramatisation que l’on retrouve chez Frédéric Gonseth qui a voulu, par ce même moyen, reproduire le geste littéraire qui consiste à donner vie à des personnages8. La mise en abyme s’accompagne également du besoin de pallier les manques des archives familiales, qui ne permettent pas de redonner à voir certains épisodes de vie ou parties des textes d’Yvette Z’Graggen, considérés comme importants par le réalisateur9. Cependant, ces moments ne contiennent aucun dialogue, narrés seulement par une voix over – masculine lorsqu’il s’agit du regard du réalisateur sur sa protagoniste, féminine lors de la lecture des textes de Z’Graggen. Pour Blanc, chez qui l’intervention de scènes fictionnalisées est plus restreinte, le discours est plus englobant : multiplier le matériel, l’animer, permet avant tout de moderniser le propos du film et dynamiser ce dernier10. Parlant des photographies d’Ella Maillart, lesquelles ont été traitées pour donner l’illusion de profondeur et de léger mouvement, le réalisateur déclare que « sans [les] dénaturer, ça donne quelque chose de vivant, de spectaculaire ». Bien que dissimulée derrière diverses raisons (le spectaculaire, l’hommage littéraire, la création), l’idée que l’archive ne se suffit pas à elle-même, voire n’est pas la plus à même de raconter le passé, est commune aux trois réalisateurs. Par le travail d’animation des documents et surtout l’insertion de séquences fictionnalisées, il s’agit bien de rendre l’archive attractive, selon des codes qui ne tiennent pas toujours compte de sa nature (voire de son origine) historique.

Les genres comme vecteur de reconnaissance

Ces films ont été reçus par une presse qui, ainsi que nous l’avons mentionné, n’a pas cherché à retracer de liens entre eux. Or, la plupart des revues romandes, centrées sur le cinéma (Ciné-Feuilles) ou généralistes (Le Nouvelliste, Gauchebdo, Le Courrier, Le Temps, Le Regard libre, écho Magazine), relèvent un certain nombre de caractéristiques similaires. De manière générale, la tentative d’actualisation d’une partie de l’histoire suisse est également soulignée par la critique, au même titre que l’approche documentaire. Le soin mis à détailler les éléments visuels exploités dans ces films permet pour beaucoup de poser d’emblée la distinction entre séquences fictives et documents d’archive. Cette description occupe d’ailleurs la quasi entièreté de la critique parue dans le quotidien valaisan Le Nouvelliste, particulièrement élogieuse envers le film de Blanc, dont l’origine est également valaisanne. Toutefois, sa conclusion éclaire une tension propre à l’hétérogénéité de ces deux modes : « Au travers de superbes images, dont certaines réalisées par drone, Raphaël Blanc n’a ‹ pas voulu faire un film total, mais privilégier l’émotion qu’Ella dégage ›. Et c’est pleinement réussi. »11 La cohabitation du spectaculaire, via les images par drone du voyage revécu, et d’une dimension plus intime, associée au parcours de Maillart – et donc au passé traduit par l’archive – emporte l’adhésion du journaliste, le premier renforçant le second à ses yeux. Celle-ci fonctionne beaucoup moins bien selon Le Temps, qui inverse complètement le rapport :

Adoptant une narration chronologique susceptible de faire entrer une vie hors du commun dans un petit format pratique, Raphaël Blanc démontre une forme d’impuissance en tournant de bien inutiles séquences de fiction (Ella enfant sur le Léman…), puis en partant au Kirghistan [sic] (images pittoresques du marché aux chevaux) sur les traces de son héroïne en compagnie de Daniel Girardin, ex-conservateur du Musée de l’Élysée, à Lausanne.12

Ici, c’est l’histoire de Maillart qui ne peut être réduite à un format narratif, fictionnalisé et, qui plus est, spectacularisé, le critique renvoyant à son tour aux passages tournés au Kirghizistan. Tout ce qui ajoute à l’archive est perçu comme superflu, Ella Maillart étant par ailleurs saluée comme « dégageant une puissance incomparablement supérieure »13. Le choix de la docufiction implique en quelque sorte une forme de renoncement, au vu de la difficulté à mêler des matériaux trop divers : renoncement à un « film total » pour Raphaël Blanc, à un portrait « réussi » de Maillart selon Antoine Duplan. Se dessine ainsi un conflit d’intérêt entre le réalisateur qui cherche à faire œuvre et la protagoniste de son film, qui devrait primer sur tout le reste.

On retrouve le même intérêt pour la narration dans les articles portant sur la sortie de Bis ans Ende der Traüme. Si Ciné-Feuilles énumère là aussi certains éléments du film14, avec un discours recoupant largement les propos tenus par Meichtry dans le dossier de presse, l’écho Magazine, hebdomadaire genevois « chrétien et culturel »15, pointe tout de suite du doigt les séquences de fiction comme constituant, là encore, une rupture de rythme et de propos – plus même, celles-ci sont considérées comme incompatibles avec le documentaire : « Si [ce dernier] présente un intérêt certain, la fiction semble souvent ne servir que de transition forcée. »16 Le texte crée d’ailleurs une seconde opposition, cette fois entre les impératifs du documentaire et des qualités qui seraient proprement cinématographiques : « Les plans fixes sur les photographies d’archives, passionnantes mais peu cinématographiques, et la lenteur générale remettent en question le choix du long-métrage. » Ressort ici encore l’idée d’un format adapté, que l’on rencontrait dans Le Temps à propos d’Ella Maillart, appliquée non plus seulement aux types d’images utilisées mais à la prétention du film qui revendique le statut d’œuvre projetée dans les salles de cinéma. Le Regard libre fait totalement écho aux éléments relevés par la critique du magazine genevois, même s’il en tire des conclusions inverses :

Une création qui s’inscrit totalement dans le cinéma suisse, avec un rythme qui lui est propre, une authenticité aussi, qui ne va pas sans une certaine exigence à l’égard du spectateur. Celui-ci ne se trouvera pas face à un blockbuster ni à un film grand public, mais à un long-métrage où c’est la particularité de l’histoire qui est primordiale, ainsi que son traitement artistique.17

Cette fois-ci, le documentaire rejoint le cinéma (suisse), justement parce que son esthétique et son récit particuliers en font un film à part entière. Le terme documentaire n’est d’ailleurs pas mentionné ; on lui préfère des qualificatifs plus directement associés à l’idée d’œuvre, que l’on tente toutefois de situer face à un genre de productions plus courantes.

La réception d’Yvette Z’Graggen est plus confidentielle ; remarquons pourtant les interviews et propos de son réalisateur ainsi qu’un article tout à fait passionnant de La Revue automobile, qui compare le film de Gonseth à Taxi 5 dans sa représentation de la voiture mais ne traite guère du mélange entre documentaire et fiction18. Trois critiques se penchent toutefois sur l’insertion de cette dernière dans le portrait de l’écrivaine. Si les scènes reconstituées ne paraissent là encore pas nécessaires selon Gauchebdo et Le Courrier19, elles prennent une tout autre dimension dans les pages de Ciné-Feuilles :

Le choix de créer une fiction à l’intérieur de ce documentaire, avec des comédiens interprétant Yvette et son entourage, s’il peut surprendre, s’avère judicieux. En effet, il met en évidence le processus même de création de ce film, qui, à partir d’archives, vient construire un récit parmi d’autres possibles.20

Si le procédé de docufiction surprend encore, il est ici ressaisi comme la mise en abyme – que Gonseth évoquait lui-même en référence à la littérature – du processus créatif au cinéma. Cette critique abroge la distinction entre fiction et documentaire qui planait jusque-là, rappelant que l’un autant que l’autre découlent d’une construction discursive et réaffirmant ainsi la figure du réalisateur comme auteur, indépendamment de son sujet. Pour cela, il est cependant nécessaire de mettre l’archive au même niveau que n’importe quel autre matériau visuel, ce qui aplanit définitivement ses caractéristiques propres.

Détour par les films

Ouverture au noir : une voix de femme accompagne la main qui écrit les mots prononcés, décrivant une arrivée en des lieux lointains. À cette brève incarnation d’Ella Maillart succède une musique orientalisante et le titre du film, imprimé en grandes lettres sur du papier, tel un tampon sur un passeport. L’invitation au voyage se poursuit avec de longs plans en vue d’avion sur une petite troupe qui parcourt les vastes paysages du Kirghizstan. L’hommage au western est visible et les noms des protagonistes sont inscrits à l’écran comme ceux d’acteurs au début d’un film d’aventure. S’ensuit la reconstitution de l’enfance de la future journaliste avec des scènes de navigation en noir et blanc, initiée par quelques photographies et les voix mêlées de Daniel Girardin et d’Ella Maillart elle-même (fig. 2). Autre production, autre commencement : un feu crépite alors que s’affichent sur fond noir les premiers crédits du générique. Ce dernier laisse place à une succession de plans au sein d’un intérieur teinté de bleu, la musique se superpose aux bruits et l’on assiste bientôt à la séparation muette entre Katharina von Arx et Freddy Drilhon, dans un jeu de mouvements de caméra et de champs/contre-champs. On suit la jeune femme lorsqu’elle rentre finalement dans la maison, pour enchaîner, toujours dans les mêmes teintes et avec la même musique, sur Katharina von Arx âgée. Installée vers la fenêtre, elle entame alors le récit du passé, des souvenirs, appuyés par des images d’archives.

Alors que la fiction se présente d’emblée à nous, par la reconstitution de scènes dramatisées ou d’emprunts à un genre connu comme le western, Les Voyages extraordinaires d’Ella Maillart tout comme Bis ans Ende der Traüme la confrontent très vite au documentaire, que ce soit en récupérant la reconstitution comme document parmi d’autres via le commentaire ou en brisant l’esthétique instaurée par la fiction pour lui préférer celle, aux éclairages plus crus et cadrages fixes, de l’interview classique. Il en est de même dans Yvette Z’Graggen, qui pourtant thématise dès son prologue la question du film dans le film, intégrant des plans du projet initial, sorte de rendez-vous manqué qui précède le « vrai » documentaire et qui devient la matière de ce dernier. Les voix over aussi multiplient les récits – lecture des romans et adresse du réalisateur à son sujet commentant ponctuellement les scènes de fiction comme les images d’archive – mais cet usage, loin de brouiller les frontières entre les genres, place à un même niveau la reconstitution et les autres documents.

La docufiction constitue un lieu où l’on tente des explorations esthétiques et narratives originales – ce qui permet aux réalisateur de justifier l’utilisation des scènes reconstituées au sein des différents discours promotionnels. Face à des documents historiques soi-disant « peu cinématographiques » et manipulés le moins possible, afin de préserver leur authenticité, historique et informative, l’insertion de la fiction permet d’affirmer davantage le statut d’auteur du film – voire de prétendre à un type d’œuvre plus proche du cinéma, même si la réception critique nous a montré à quel point ces formats peinent à se mélanger. Cette coprésence difficile semble finalement incarner formellement la situation inconfortable du documentaire en Suisse, telle qu’évoquée par Raphaël Blanc – qui transparaissait déjà au sein des discours et qui se rejoue également dans les œuvres. Quand les financements parviennent avant tout de la RTS et que la possibilité d’un passage en salles est faible, ne pas abandonner tout à fait certains procédés garantirait au moins un mode de diffusion21. D’autant que dans ce cadre, le sujet traité prime sur le reste et ne doit en aucun cas être réduit au discours porté sur lui22. Autrement dit, la part de créativité du réalisateur ne devrait pas s’imposer au détriment de la personnalité dont il fait le récit, sentiment que l’on retrouve notamment dans Le Temps à propos d’Ella Maillart. De ce point de vue, nos trois films sont cohérents : ils sont partagés entre la proposition d’une œuvre de création et l’hommage conditionné par l’archive, solution qui ne peut dès lors que donner lieu aux objets composites dont la critique s’est fait l’écho. Selon nous, la difficulté à « faire objet de cinéma » à partir d’archives cristallise la tension, chez les cinéastes, entre l’envie d’une diffusion assurée en Suisse et l’aspiration à une forme, et un statut d’œuvre, plus « légitimée ». La forme de la docufiction, sorte de compromis, donne dès lors lieu à des objets hybrides, qui, plutôt que d’explorer les spécificités des deux modes ou de chercher réellement à en inquiéter les contours, les traitent de manière indifférenciée. Puisqu’aucune place véritable n’est accordée à l’archive ou aux scènes rejouées, cela ne fait paradoxalement que renforcer l’hétérogénéité entre les diverses images ; une disparité que recréent et prolongent tant les discours de la presse que ceux de la production.

1 Jacques Rancière, « La fiction de mémoire, à propos du Tombeau d’Alexandre », Trafic, n29, printemps 1999, p. 37.

2 La posture de la RTS quant à la portée patrimoniale des projets filmiques qu’elle soutient est ambiguë. Ainsi, sur le site coexistent les deux déclarations suivantes : « Nous encourageons l’art du cinéma et le regard suisse sur le monde. Nous voulons soutenir des langages modernes qui racontent des histoires qui nous touchent, qui nous interpellent et qui nous font rêver. Le soutien au cinéma n’a pas de restriction créative, sur le fond ou sur la forme. » (www.rts.ch/fiction/8117144-la-rts-soutient-le-cinema-suisse.html, consulté le 15 avril 2019). Et dans leur pacte audiovisuel : « Les partenaires souhaitent favoriser une production audiovisuelle de qualité, diversifiée aussi dans les genres, reconnaissant son importance pour les valeurs culturelles et identitaires du pays. » (www.srgssr.ch/fr/ce-que-nous-faisons/culture/film/pacte-de-laudiovisuel/, consulté le 15 avril 2019). Notons qu’en tous les cas, elle reste également floue pour ce qui est de la forme que doivent prendre ces productions.

3 Dossier de presse du film Les Voyages extraordinaires d’Ella Maillart, JMH Distributions, pp. 6 et 12 (www.jmhsa.ch/dossierspresse/14.NOUVEAU_DOSSIER_DE_PRESSE_ELLA_MAILLART_2017_web.pdf).

4 Le terme se retrouve évidemment déjà du côté de la recherche, comme en témoignent l’article de Gilles Marsolais, « Les Mots de la tribu », Cinémas : Journal of Film Studies, vol. 4, no 2, 1994, pp. 133-150 ou plus récemment le texte de François Garçon, « Le documentaire historique au péril du ‹ docufiction › », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 4, no 88, 2005, pp. 95-108. Il n’est pas question ici de prendre position dans ce débat théorique ; nous voulons pourtant traiter du sens qui se dégage du langage ordinaire.

5 Interview du 5 juin 2017 dans l’émission Vertigo. À noter que cette interview est également intégrée dans le « Grand format » de RTS Culture, sur le site internet suivant : www.rts.ch/info/culture/8684215-dans-les-pas-d-ella-maillart.html, consulté le 15 octobre 2018.

6 www.bis-ans-ende-der-traeume.ch.

7 Dossier de presse du film Bis ans Ende der Traüme, p. 5.

8  » Yvette Z’Graggen, une vie audacieuse », entretien avec Olivier Wyser, La Liberté, 2 mai 2018, p. 25.

9 Id.

10 Interview RTS pour Vertigo du 5 juin 2017, idem.

11 Patrice Genet, « Le cinéaste d’Ayent Raphaël Blanc conte les voyages extraordinaires d’Ella Maillart, inspiratrice de liberté », Le Nouvelliste, 13 juin 2017 [en ligne] (www.lenouvelliste.ch/articles/valais/canton/le-cineaste-d-ayent-raphael-blanc-conte-les-voyages-extraordinaires-d-ella-maillart-inspiratrice-de-liberte-677736, consulté le 15 octobre 2018).

12 Antoine Duplan, « ‹ Les Voyages extraordinaires d’Ella Maillart ›, un voyage sans surprise », Le Temps, 13 juin 2017 [en ligne] (www.letemps.ch/culture/voyages-extraordinaires-della-maillart-un-voyage-surprise, consulté le 15 octobre 2018).

13 Id.

14  » À partir de 2011, plusieurs entretiens avec Katharina von Arx, ainsi que ses archives – dont celles de Freddy Drilhon – ont amené Wilfried Meichtry à la réalisation de ce film, mi-documentaire, mi-fiction. Il s’y mêle des images réelles, les témoignages de Mme von Arx et ceux de sa fille, les superbes clichés de Freddy Drilhon, ses vidéos de Polynésie. Et puis il y a les séquences tournées avec des comédiens (Sabine Timoteo et Christophe Sermet), apportant la vie qui manque aux archives. » (Geneviève Praplan, « Jusqu’au bout des rêves », Ciné-Feuilles, no 785, 21 février 2018, p. 20).

15 La revue, fondée en 1930 n’a jamais cessé de se penser par ailleurs comme s’adressant aux familles (www.echomagazine.ch/presentation/histoire, consulté le 15 avril 2019).

16 Bastien Lance, « Jusqu’au bout des rêves », écho Magazine, no 8, 22 février 2018, p. 28.

17 Jonas Follonier, « Jusqu’au bout des rêves », Le Regard libre, 28 février 2018 [en ligne] (https://leregardlibre.com/2018/02/28/jusquau-bout-des-reves/, consulté le 15 octobre 2018).

18 Eugenio d’Alessio, « Noblesse contre vulgarité », La Revue automobile, no 22, 31 mai 2018, p. 5.

19 Pierre Jeanneret, « Yvette Z’Graggen, une femme libre », Gauchebdo, 30 mai 2018 [en ligne] (www.gauchebdo.ch/2018/05/30/yvette-zgraggen-une-femme-libre/, consulté le 15 octobre 2018). Anne Pitteloup, « Yvette Z’Graggen, en toute liberté », Le Courrier, 3 mai 2018 [en ligne] (https://lecourrier.ch/2018/05/03/yvette-zgraggen-en-toute-liberte/, consulté le 15 octobre 2018).

20 Sabrina Schwob, « Yvette Z’Graggen, une femme au volant de sa vie », Ciné-Feuilles, no 789, 25 avril 2018, p. 4.

21 Voici l’une des phrases que l’on trouve en accompagnement de l’interview de Raphaël Blanc sur la page du site de la RTS, témoignant des attentes de l’entreprise en matière de reportages : « Pour actualiser le propos et éviter de faire un film d’archives soporifique, Raphaël Blanc s’appuie sur des images actuelles, tournées au Kirghizistan, avec l’aide notamment d’un drone, et sur une musique originale toute en légèreté et aux sonorités orientales. » (www.rts.ch/info/culture/8684215-dans-les-pas-d-ella-maillart.html, consulté le 15 octobre 2018).

22 La presse elle-même nourrit ce postulat par la place qu’elle accorde dans ses textes au récit de vie des trois protagonistes contre celle accordée à la construction des films.