Achever un objet technique par la fiction ?
Un objet technique peut-il être inachevé ? C’est la question qu’invitent à se poser les nombreuses mentions, dans les écrits de vulgarisation scientifique de la seconde partie du XIXe siècle, de projets d’appareils qui permettraient de transmettre des images à distance et en direct par le biais de l’électricité. Cette perspective, rendue envisageable par le développement des réseaux téléphonique et télégraphique, est très en vogue à la Belle Époque et permet l’émergence d’une série de recherches autour de la « télé-vision »1 promettant l’élaboration d’appareils aux patronymes divers, du « télescope électrique » au « diaphote », en passant par le « télectroscope » ou encore le « téléphote », qui fait l’objet de cet article2. Toutefois, aucun de ces projets n’aboutit véritablement au niveau technique, malgré les espoirs qui jalonnent la littérature scientifique de la période. Citons à ce titre une publication signée en 1882 par le physicien spécialiste de l’électricité Théodore du Moncel, intitulée Le Microphone, le radiophone et le télégraphe, qui rend compte d’« une découverte qui, au premier abord, pourrait sembler invraisemblable mais qui, ayant eu quelque retentissement, a attiré l’attention des savants […] bien qu’aucun résultat sérieux n’ait encore été obtenu »3 : un dispositif qui permettrait de « voir par le télégraphe »4, soit de transmettre des images à grande distance et en direct. Du Moncel présente ensuite les recherches de différents scientifiques visant à élaborer un tel appareil et réunit ces différents projets sous le nom de « téléphote » – c’est d’ailleurs, selon l’historien des médias André Lange, cette publication qui a contribué à populariser ce nom à l’époque5. Toutes les recherches décrites s’appuient sur l’utilisation du métalloïde sélénium, dont la conductibilité et la sensibilité à la lumière laissent entrevoir la possibilité de l’utiliser pour transmettre une image à distance. Dans les années suivantes, d’autres textes du même ordre reprennent cette dénomination et décrivent l’évolution des expériences visant à rendre possible la vision à distance et en direct par des moyens techniques, à commencer par La Physique populaire d’Émile Desbeaux (1891), un autre ouvrage de vulgarisation scientifique dont un chapitre intitulé « Le téléphote » décrit un projet d’appareil composé de deux postes permettant à des interlocuteurs de dialoguer à distance tout en se voyant, sur le modèle du téléphone6.
UN DISPOSITIF POSSIBLE
Face à l’existence discursive d’un tel appareil, il est tentant de faire appel à l’archéologie des médias, un ensemble d’approches éclectiques inspirées des préoccupations de Michel Foucault à partir de Mots et les Choses (1966) et notamment popularisées par les travaux de Friedrich Kittler visant à montrer que la condition humaine est déterminée par les médias (entendus au sens de modalités de stockage et de diffusion d’une information)7. De manière plus générale, les tenants de telles approches ont pour volonté de relativiser la « nouveauté » de certains objets techniques institutionnalisés en cherchant des prémisses de ces derniers dans le passé – une position défendue par Siegfried Zielinski8. Face à l’écueil téléologique caractérisant bon nombre de ces approches – écueil qui, dans le cas du téléphote, pourrait nous pousser à le considérer comme un « ancêtre » de la télévision ou de certains logiciels de visioconférence plus récents –, certains chercheurs ont souhaité traiter la naissance des médias avec un plus grand effort d’historicisation. C’est notamment le cas d’André Gaudreault et Philippe Marion, qui suggèrent dans un article ayant fait date de décomposer la « naissance » de tout média en trois moments successifs et complémentaires : « apparition d’un procédé technologique ; émergence d’un dispositif par l’établissement de procédures ; avènement d’une institution médiatique »9. Ce schéma, bien que stimulant, ne semble que difficilement applicable au téléphote, en ce qu’il ne connaît pas d’émergence à proprement parler : différentes recherches sont menées dans l’espoir de rendre fonctionnel un dispositif permettant la diffusion d’images à distance, mais il n’existe aucun indice d’une véritable matérialisation de ce dispositif. Pour reprendre les termes proposés par le philosophe des techniques Gilbert Simondon, le téléphote peut être considéré comme une machine interrompue avant sa phase de « concrétisation ». En effet, « il existe une forme primitive de l’objet technique, la forme abstraite, dans laquelle chaque unité théorique et matérielle est traitée comme un absolu, achevée dans une perfection intrinsèque nécessitant, pour son fonctionnement, d’être constituée en système fermé »10. À partir de cette forme abstraite, une évolution se joue par la résolution de divers « problèmes » permettant à terme l’émergence d’un objet technique concret, voire industrialisé11. Si le concept abstrait du téléphote existe bel et bien, tout comme les recherches pour le rendre fonctionnel, on ne trouve pas trace dans les sources d’une telle machine concrète ou institutionnalisée. Considérer ainsi le téléphote comme un fantasme inachevé des scientifiques de la Belle Époque pourrait nous inviter à l’associer à la famille des « médias imaginaires », théorisée par Erik Kluitenberg, regroupant « [des médias] représentés dans des récits, des dessins, des gravures, des films, des chansons, des publicités ou des imaginaires quasi-philosophiques. Il ne s’agit pas tant de médias réalisés que de médias potentiels ou possibles : médias rêvés, médias fantasmés, images de la façon dont la communication humaine pourrait être remodelée au moyen de machines »12. Toutefois, si le téléphote est bien un appareil imaginaire (au sens de non advenu), il n’est pas pertinent de le considérer comme un média : d’une part, cette notion – trop souvent utilisée pour évoquer les mass media qui se développent au XXe siècle – est anachronique ; d’autre part, « dans la logique du média, il y a forcément la logique de l’institution. Et toute institution suppose des actes symboliques qui la fondent, et qui fondent l’objet sur lequel elle porte, l’objet qu’elle définit, qu’elle délimite, comme l’histoire de l’objet qu’elle fait émerger et se transformer dans le temps » 13, pour le dire avec les mots de François Albera et Maria Tortajada. Si « de nos jours, une ‹ archéologie des médias › – où ‹ média › est pris dans un sens étendu et suivant la tradition anglo-saxonne des media studies, délié de mass et de l’approche sociologique »14 est parfaitement envisageable, nous préférons, dans le cadre de cet article, aborder le téléphote en tant que « dispositif » actualisant de manière singulière dans chacune de ses occurrences le triangle formé par la machinerie, l’instance spectatorielle et la représentation15. Un dispositif qui, bien qu’inachevé – ou non-concrétisé – sur le plan technique, apparaît comme parfaitement possible aux yeux des contemporains, pour reprendre le qualificatif proposé par Kluitenberg.
MISES EN RÉCIT DE LA TECHNIQUE
C’est bien souvent par le biais de ses utilisations qu’un objet technique trouve une forme d’achèvement qui lui permet en quelque sorte de sortir de l’abstraction théorique qui précède sa concrétisation. Il pourrait ainsi être tentant de considérer qu’un dispositif non advenu comme le téléphote échappe à tout usage. Cependant, les sources mentionnant les machines imaginaires portant ce nom projettent bien souvent ses usages potentiels. Il en va ainsi du texte de du Moncel mentionné plus haut, qui, au-delà des considérations d’ordre technique, intègre ponctuellement des micro-récits imaginant les utilisations possibles d’un tel dispositif, une singularité potentiellement liée au parcours de l’auteur, également intéressé par les questions artistiques. Ainsi, l’appareil viserait à « non seulement converser d’Amérique en Europe au moyen du téléphone, mais encore voir la figure, les traits et les mouvements de la personne à laquelle on aurait parlé »16 : en plus des recherches ayant pour but d’élaborer la machinerie d’un téléphote, ses applications possibles – ici, une sorte de « téléphone visuel » qui adjoindrait l’image du locuteur à sa voix – sont également envisagées par le scientifique.
Ce phénomène de mise en récit – et en usage – de la technique est d’autant plus flagrant dans une série de textes littéraires de l’époque empruntant au genre de l’anticipation, qui constitueraient selon François Albera « une sorte de terrain d’expérimentation, un espace d’extrapolation aux recherches et aux appareils ou machines existants en même temps qu’elles témoigne[nt] de l’imaginaire de ces technologies et des attentes qu’elles suscitent et qui les suscitent »17. En somme, dans la perspective qui est la nôtre, il serait possible d’observer une forme d’achèvement fictionnel d’un objet technique au sein de sources donnant virtuellement à voir ou à lire ses usages potentiels.
Si les exemples de mise en récit ou en fiction d’appareils de vision à distance sont légion dans des sources de natures diverses18, nous nous limiterons ici à l’étude des représentations d’un téléphote dans l’œuvre du romancier français Paul Charles Philippe Éric Deleutre, dit Paul d’Ivoi (1856–1915), aujourd’hui encore largement méconnue19. Elle se compose principalement d’une vingtaine de romans d’aventures géographiques rédigés entre 1894 et 1915, réunis en série sous le titre de « Voyages excentriques ». La plupart sont publiés d’abord sous forme de feuilletons dans la presse – principalement dans le Journal des Voyages et des aventures de terre et de mer, mais également dans Le Matin, La Patrie ou Le Petit Journal –, puis réédités à plusieurs reprises chez différents éditeurs populaires – d’abord l’ancienne librairie Furne, puis Tallandier dans les années 1930. Les rares ouvrages d’histoire littéraire mentionnant cet auteur se bornent généralement à le désigner comme l’un des nombreux « imitateurs » de Jules Verne. En effet, la production de d’Ivoi partage un grand nombre de traits avec celle de ce dernier, du titre de sa série de romans rappelant fortement les « Voyages extraordinaires » à la couverture rouge des éditions de ses ouvrages dans des collections pour la jeunesse, en passant par son intérêt pour des thèmes comme l’exotisme, le voyage et la modernité technologique, ou même la structure de certaines intrigues qu’il emprunte directement à Verne. Un trait saillant des récits de d’Ivoi réside dans le rôle central qu’y jouent différents objets techniques reflétant « le nouveau paradigme social fin-de-siècle de la vitesse et de la mobilité »20.
DES USAGES DU TÉLÉPHOTE CHEZ PAUL D’IVOI
Parmi les appareils imaginés par Paul d’Ivoi, on trouve régulièrement un dispositif nommé « téléphote », probablement inspiré des recherches contemporaines comme celles commentées par du Moncel. Partons de la description qui en est faite dans le roman Le Docteur Mystère (1900). L’appareil se situe dans le laboratoire du personnage éponyme, où des rails sont disposés, et se présente de la manière suivante aux yeux du jeune Cigale, qui le découvre en même temps que le lecteur :
Alors [après que Mystère a fait tourner une manivelle fixée au mur] un tableau noir se détacha de la paroi et roula sur les rails au moyen de galets à gorge. Un appareil bizarre aux montants de cuivre, entre lesquels étaient fixés des fils métalliques, des plaques de bronze et des réflecteurs garnis d’ampoules de verre électrique, évolua sur une voie parallèle, tandis qu’une lucarne s’ouvrait dans la muraille même de l’automobile et permettait d’apercevoir la campagne21.
La machine du docteur se divise donc en trois parties : une lucarne donnant sur l’extérieur, un tableau noir et un tableau de contrôle commandant l’appareil. Le téléphote imaginaire décrit ici apparaît ainsi comme hybride, car ses composants sont empruntés à d’autres dispositifs contemporains : la dénomination de la machine est calquée sur celle du téléphone, l’écran rectangulaire fait écho à celui du cinématographe, et l’ouverture vers l’extérieur peut rappeler la camera obscura. Par la suite, son fonctionnement est détaillé à Cigale par Mystère :
[l’opération] consiste à recevoir à distance, sans fils, l’électricité qui émane d’un point quelconque. L’électricité, vois-tu, cette puissance dont la nature échappe à l’homme et que je serais disposé à considérer, ainsi que les fakirs, comme l’âme du monde, l’électricité est partout, elle accompagne toute action, tout mouvement. Qu’il s’agisse d’ondes lumineuses, d’ondes acoustiques, le véhicule de ces ondes est l’électricité. Du corps d’un homme qui court, qui part, qui respire, jaillit l’onde électrique. Cet appareil qui t’étonne est conçu de façon à être impressionné par les plus faibles courants… c’est le téléphone et le téléphote sans fils22.
Nous avons affaire ici à une véritable pause explicative dans le récit, visant à faire comprendre au lecteur une technique ou un appareil par la médiation du discours d’un personnage. Ce passage didactique proche de la vulgarisation scientifique, typique des récits destinés à la jeunesse, dévoile une représentation sous-jacente : les ondes électriques sont la condition première de l’action de la machine, car elles permettent de transporter les images captées au loin par la machinerie. Cet extrait révèle également la fonction du téléphote : permettre à son utilisateur de voir à distance.
La fiction littéraire permet toutefois de dépasser la simple description technique pour imaginer les usages concrets d’une telle machine entre les mains de personnages. Ainsi, une première utilisation du téléphote est décrite dans la suite du passage, lorsque l’appareil est mis en marche par Mystère :
[…] un déclic venait de se produire et sur le panneau un paysage était apparu. C’était un bouquet de bois en arrière duquel se montraient les premières maisons du village de Cheïrah.
Mystère mit en rotation de petites roues de cuivre, alignées à la partie inférieure du cadre, et aussitôt le paysage se déplaça lentement :
– Sapristi, s’écria Cigale, on dirait que l’on marche !
– Sans doute, répondit le savant, seulement dans la marche, ce sont nos yeux qui se déplacent ; ici, c’est le pays même… L’impression est identique23.
Grâce à l’ouverture vers l’extérieur, le téléphote capte les ondes électriques émises par les objets, qui sont projetées en direct sur l’écran. La machine simule un déplacement de l’utilisateur, et consent à son regard de se porter sur des lieux situés à grande distance.
Dans Miss Mousqueterr (1907), un dispositif similaire est utilisé dans le même but par les personnages de Dodekhan et Lucien, retenus prisonniers par les sbires d’une mystérieuse société secrète dans une grotte équipée d’un poste de téléphote. Souhaitant observer leurs ennemis situés à plusieurs centaines de kilomètres, les captifs actionnent le mécanisme :
Et soudain, l’écran s’éclaira. Un paysage montagneux se dessina à sa surface. Puis la toile fut balancée par une vibration oscillatoire régulière, qui donnait au spectateur l’illusion d’être emporté rapidement par une locomotive.
Le panorama sembla se précipiter au devant de l’opérateur.
Les hauteurs succédèrent aux hauteurs, les vallées aux crevasses, les mamelons pelés aux pics dénudés. La stérile horreur des Hauts Plateaux défilait sous les yeux de Dodekhan.
Sa main s’étendit vivement, fit tomber un petit taquet entre les pointes d’une roue dentée. L’écran redevint immobile, fixant l’image qu’il reflétait à ce moment.
Cela représentait la rive d’un lac, sur les eaux duquel des volutes de vapeurs glissaient paresseusement24.
Ce passage est particulièrement révélateur de la fonction de voyage régulièrement associée au téléphote par d’Ivoi. Notons en premier lieu l’assimilation de la machine à un moyen de transport, ici la locomotive, dont le mouvement vers l’avant est reproduit pour l’utilisateur ; la mention d’une « vibration » peut également faire écho aux tressaillements d’un train sur les rails. Par la suite, la description de décors variés qui se succèdent évoque également l’expérience d’un voyageur dans un convoi, qui voit défiler le paysage par la fenêtre. Toutefois, d’Ivoi insiste sur le fait que le spectateur reste immobile, en précisant que c’est « le panorama [qui] sembl[e] se précipiter [devant lui] ». Cette phrase met l’accent sur la dimension illusoire de ce mouvement du paysage, avec l’utilisation du verbe « sembler » : la machinerie du téléphote permet ainsi un voyage simulé, un déplacement du regard seul, dans un ailleurs géographique. Cette illusion de déplacement sert souvent les desseins de surveillance et d’espionnage des protagonistes : Dodekhan et Lucien, tout comme Mystère et Cigale, mobilisent l’appareil pour observer leurs ennemis situés à grande distance sans être vus.
Toutefois, un usage bidirectionnel visant la communication réciproque est également possible, lorsque deux utilisateurs sont situés à des postes de téléphote distincts, couplés à un dispositif téléphonique. Une autre scène de Miss Mousqueterr en est un bon exemple : les personnages de Max Soleil et de Violet Mousqueterr découvrent dans un palais de Calcutta « une sorte de fleur, au calice blanc »25 qui jaillit du mur, objet qu’ils reconnaissent comme étant un parleur de téléphone sans fil. Violet s’adresse ensuite au parleur, ce qui la met en communication avec Dodekhan, toujours captif dans une caverne située à l’autre bout du continent asiatique. C’est par la voix qu’une communication réciproque se fait dans un premier temps, les deux personnages échangeant des « Allô », avant que Dodekhan explique à Violet comment activer la dimension visuelle de ce dispositif : « Appuyez sur la troisième rose de la boiserie, en comptant de la gauche, la troisième. Cela déclenchera le téléphote pour moi, je vous verrai »26. Lorsque la jeune femme exécute le souhait de Dodekhan et active le téléphote, la teneur des propos de son interlocuteur, transmis par le parleur, permet de comprendre qu’il peut observer la salle à distance. Par la suite, Dodekhan déclenche également la machine de son côté afin d’être vu par Violet. S’ensuit un véritable dialogue entre les personnages, qui se racontent mutuellement leurs mésaventures tout en se voyant à distance, la machinerie leur offrant l’illusion de la proximité.
Ainsi, le fonctionnement technique du téléphote implique bien deux usages distincts dans les « Voyages excentriques » : activé par un seul utilisateur, l’appareil permet de voir sans être vu, notamment à des fins de déplacement du regard et d’espionnage ; mais déclenché de manière synchrone par deux usagers et couplé à un dispositif téléphonique, il sert de support à une communication à distance et à un dialogue sur un pied d’égalité. Il revêt régulièrement cette seconde fonction, qui constitue une autre manière de triompher de la distance spatiale en mettant en relation deux utilisateurs aux localisations différentes.
*
En mettant en scène divers téléphotes dans les pages de ses « Voyages excentriques », Paul d’Ivoi s’inscrit donc pleinement dans les recherches contemporaines autour de la vision à distance, qu’il connaît vraisemblablement bien, et propose des usages fictionnels d’une telle machine – surveillance et communication. Sous sa plume, tout se passe comme si le téléphote n’était pas un dispositif inachevé – ou inabouti techniquement – mais bien un objet technique parfaitement fonctionnel au sein de la diégèse. Le récit permet ainsi d’agencer un objet technique imaginaire « en dispositif », c’est-à-dire d’actualiser virtuellement le triangle formé par l’instance spectatotielle, la machinerie et la représentation, et de lui offrir de fait une forme paradoxale d’achèvement par la fiction. Précisons toutefois en guise de conclusion qu’il existe autant d’« achèvements » potentiels de ce type d’appareils que de sources qui les décrivent. D’Ivoi n’est en effet pas le seul à s’inspirer des recherches contemporaines autour d’un tel appareil pour mettre en scène des utilisations fantasmées de celui-ci – pensons notamment à Jules Verne, qui en fait mention dans Le Château des Carpathes (1892) et La Journée d’un journaliste américain en 2890 (1899) mais aussi à différentes chroniques dans la petite presse27 – et chacune de ces actualisations fictionnelles doit être considérée en vertu de ses spécificités. Pour le dire autrement, le téléphote ne saurait être appréhendé comme un média unifié par la similitude de ses usages imaginaires : il existe autant d’usages d’appareils imaginaires portant ce nom que de sources les décrivant. Fondamentalement inachevé dans son actualisation technique effective, le téléphote semble appeler la fiction de manière plus prégnante encore que d’autres dispositifs, en ce qu’elle possède le pouvoir de lui conférer des usages par « projection ».