Alain Boillat

Havarie (Xavier Koller, 2005)

On aurait pu attendre de ce Suisse installé en Californie depuis le succès de Voyage vers l’espoir – film auquel fut décerné un Oscar – une œuvre qui, tout en jouant la carte du film de genre (thriller sur fond de haute finance helvétique), témoigne d’une certaine ambition. Il n’en est rien, et le film n’en fait pas mystère puisqu’il affiche dès sa séquence d’ouverture un suspense lourdaud et des effets de dramatisation que l’on associe immédiatement aux séries télévisuelles. Havarie est un produit calibré pour le petit écran où un savoir-faire certain et des acteurs convaincants sont mis au service, dans le meilleur des cas, d’une pâle caricature du tout-venant hollywoodien : on y trouve même le motif éculé du rachat d’une figure paternelle qui a négligé les siens. Ainsi un dispositif de surveillance qui pourrait évoquer les films de Brian de Palma succombe au ridicule du personnage de l’agent de sécurité voyeur, comme l’arrière-plan politique se désagrège devant la représentation monolithique des « méchants Russes » dont la cruauté permet par contraste de disculper le gentil président du conseil d’administration suisse. Il y a néanmoins chez Koller un désir louable de réaliser de « véritables » scènes d’action entre Zoug et Zurich (par exemple une course-poursuite en voiture et un crash, rares dans les films suisses) et une intention – certes trop appuyée pour être aboutie – de tisser un réseau de motifs visuels et thématiques, à l’exemple des images récurrentes de profondeurs aquatiques dans lesquelles sombre la vérité.