Julia Canonica, Maria Da Silva

Silencio : Lynch tourne !

Mise en scène de la chanson préexistante dans Blue Velvet et Mulholland Drive

« Le cinéma, pour moi, c’est un désir très fort de marier l’image au son. Lorsque j’y parviens, j’en éprouve un véritable frisson. En vérité, je ne suis pas sûr de chercher autre chose que ce frisson.1 »

L’expression « marier l’image au son », qui présuppose une subordination du visuel à l’auditif, est révélatrice de l’importance accordée par David Lynch à la dimension sonore de ses films, notamment à la musique. En effet, elle n’est chez lui pas seulement présente pour accompagner les actions de l’écran, pour éveiller les sens du spectateur soumis à son effet emphatique, mais elle participe activement à la trame narrative et à son évolution. C’est dire que la musique n’installe pas uniquement une « atmosphère » (pratique courante au cinéma), mais qu’elle est également utilisée comme source d’information ou comme intertexte. Le récit procède de la musique plus que l’inverse.

Á ce titre, Blue Velvet (1986) et Mulholland Drive (2001) sont exemplaires de cette intégration des sons que nous étudierons plus particulièrement sous l’angle de la mise en scène diégétique de la chanson. Cette question nous semble en effet pertinente dans la mesure où ces deux films accordent une place centrale à la musique et recourent à des chansons préexistantes qui appartiennent aux standards des années 1950-1960.

En dépit de leurs similitudes quant à l’utilisation de la musique, ces films sont diamétralement opposés dans leur construction narrative. Alors que les chansons de Blue Velvet participent à la progression narrative tant par leur mode d’inscription que par le sens de leurs paroles, celles de Mulholland Drive servent, à l’image du film dans son ensemble, à exhiber l’artifice de tout spectacle.

Blue Velvet : entre air musical et récit filmique

« ‹ Blue Velvet › est une chanson (chantée par Bobby Vinton dans les fifties) que j’ai découverte et beaucoup aimée dans les années 60. Une chanson qui m’a inspiré un certain état d’esprit. Quant au velours, c’est un matériau extraordinaire, sensuel, riche, lourd… presque organique.2 »

La référence à la chanson aurait pu s’arrêter au titre du film, si celle-ci n’avait pas été reprise et intégrée dans la fiction. Sur la base de cette citation, nous pouvons émettre l’hypothèse selon laquelle David Lynch aurait construit Blue Velvet autour de la chanson homonyme.

On peut considérer de manière schématique que le récit filmique se développe selon deux axes. Tandis que le premier correspond aux situations initiale et finale, caractérisées par la description d’espaces idylliques et paisibles, le second développe la trame principale (complication/évaluation/résolution), à savoir l’implication de Jeffrey (Kyle MacLachlan) dans la vie torturée de Dorothy (Isabella Rossellini), dans un cadre sombre et malsain. Cette bipolarité est illustrée au travers du gros plan sur l’herbe grouillante d’insectes, plan qui se présente comme l’envers du décor idyllique. Par la suite, la découverte d’une oreille humaine, représentation de l’ouïe, servira de passage entre les deux mondes. Par ailleurs, la transition du second niveau au premier est suggérée par un gros plan en zoom arrière effectué à partir de l’oreille de Jeffrey, comme si la compréhension des deux réalités passait obligatoirement par l’écoute.

La chanson homonyme apparaît à quatre reprises, déclinée selon différents modes musicaux. La première occurrence est la version originale, une sorte de ballade romantique au rythme léger, qui sert à installer une ambiance traduisant la perfection et la sérénité exprimées par les images : des roses rouges, des jonquilles jaunes sous un ciel bleu sans nuages, une lumière blanche baignant une petite ville américaine, des pompiers au sourire éclatant qui nous saluent de la main, des enfants sages qui traversent la route avec attention. Ces plans au ralenti mettent en scène l’idéal d’une certaine Amérique, oscillant entre rêve et réalité, qu’une piqûre d’insecte vient pourtant bouleverser. Les trois autres occurrences se présentent sous la forme d’une même version enregistrée par Isabella Rosselini (Dorothy) expressément pour le film. Le spectateur découvre en même temps que Jeffrey la voix mélancolique et la sensualité expressive de Dorothy interprétant une version blues3 de la chanson-titre. Le remaniement orchestral a été effectué par Badalamenti, compositeur attitré du réalisateur depuis ce film.

« She wore blue velvet »4, premier vers du morceau musical, caractérise d’emblée un trait vestimentaire de Dorothy (sa robe de chambre en velours bleu), ainsi que le bout de tissu (« doudou » associé à un fétichisme enfantin) que Frank (Dennis Hopper), son amant, serre dans ses mains. Le personnage féminin nous est en outre présenté lors d’une apparition sur scène (fig. 1) comme la blue lady5. Ces divers éléments tendent à assimiler la jeune femme à la chanson, ce qui semble confirmer que le cinéaste a modelé le récit filmique en fonction de la chanson. Cette appropriation confère à cette dernière un rôle essentiel à la compréhension psychologique des personnages. Or, ce n’est pas un hasard si elle est réinterprétée en blues, genre musical caractéristique d’un état psychique mélancolique. Un état propre à Dorothy, figure de mère/putain, soumise à la violence morale et physique de Frank, personnage trouble et perturbé. Ce blues définit en partie la relation sado-masochiste du couple, symptomatique de « l’envers du décor ».

La dernière occurrence intervient à la fin du film dans le souvenir de Dorothy qui, malgré la joie des retrouvailles avec son fils, ne peut s’empêcher de se rappeler son passé récent évoqué par les derniers vers de la chanson (« And I can still see blue velvet, through my tears » / « Et je peux encore voir le velours bleu à travers mes larmes »). Ce souvenir instaure un lien dialectique entre les deux mondes diégétiques. Le supposé « happy end » exposé par un retour à l’ordre initial (les premiers plans sont repris à la fin) n’est qu’artificiel, car les stigmates du passé demeurent malgré tout6.

La chanson « Blue Velvet » est le fil rouge de cette histoire, elle la traverse et rapproche les deux mondes. Elle représente l’endroit et l’envers du décor. Le film devient ainsi une sorte d’émanation visuelle de cette chanson, qui constitue une base essentielle où le spectateur peut puiser des éléments informatifs. Elle participe à la progression narrative. Parallèlement, elle est modelée de manière à se fondre dans l’univers filmique. Ballade romantique ou blues mélancolique, elle se métamorphose en fonction de l’univers que le cinéaste veut élaborer et génère par conséquent différentes interprétations possibles.

« In Dreams », ou la chanson intertextuelle

Néanmoins, cette chanson n’est pas un cas isolé dans Blue Velvet, qui connaît un autre exemple d’insertion lyrique avec « In Dreams » de Roy Orbinson, autre chanteur des fifties. Á ce propos, Michel Chion note dans son livre consacré au cinéaste qu’« on dirait même parfois que Lynch a écrit son scénario en faisant des associations libres autour de leurs paroles »7. Toutefois, l’utilisation des deux chansons n’est pas similaire. Alors que « Blue Velvet » suit une logique d’insertion exclusivement musicale, amenant une compréhension implicite, « In Dreams » participe comme intertexte aux dialogues des personnages. De plus, cette dernière dénote au travers de la mise en scène d’un play-back l’incapacité qu’ont les protagonistes à se l’approprier. Autrement dit, Frank et Ben (Dean Stockwell), contrairement à Dorothy, se limitent à une interprétation mimée de la chanson originale. Ils ne sont que de simples véhicules inactifs, car la chanson leur demeure extérieure.

Lorsque Ben entame le play-back de « In Dreams » (fig. 2), le texte a déjà été cité par Frank dans un précédent dialogue. « A candy--colored clown they call the sandman » (« un clown couleur bonbon qu’ils appellent le marchand de sable ») fait référence à un de leurs complices dans un trafic de drogue. La thématique même de la chanson8 peut renvoyer à l’état psychique des deux personnages qui sont vraisemblablement sous l’emprise de drogues. « In Dreams » reflète alors un paradis artificiel, qui assujettit les personnages et les pousse à basculer dans la violence à tout moment. Par la suite, la scène dans laquelle Frank susurre le refrain9 au visage de Jeffrey correspond au basculement dans la brutalité. L’intérêt de cette scène réside dans le décalage créé par le contraste entre l’onirisme romantique des paroles et le caractère violent des images.

La séquence de play-back crée une atmosphère propre aux années 1950-1960. Elle est donc en décalage avec le contexte historique de la diégèse (contemporain de la sortie du film), comme le signalent certains éléments : le microphone, les vêtements de Ben (la chemise à froufrous et la veste imprimée), le porte-cigarettes (objet typique de la figure de la femme fatale) ou le fond de teint blanc (caractéristique des libertins du XVIIIe siècle). Il n’est en effet pas rare chez Lynch que les chansons préexistantes appartiennent à des standards d’une période qui est synonyme de l’« american way of life », et donc liée à une exaltation du rêve américain et de la société de consommation. Lynch semble prendre un plaisir certain à faire revivre pour le spectateur ces musiques représentatives d’une culture de masse souvent critiquée. Or, la position du cinéaste à ce sujet n’est pas clairement définie, il semble naviguer entre une nostalgie affirmée et une distanciation objectivée.

Le décor et les déguisements qui offrent un cadre à « In Dreams », additionnés à la gestualité de crooner du personnage, provoquent des effets visuels qui traduisent une représentation théâtrale de la chanson. L’interprétation mimétique en play-back reflète l’incapacité du personnage à s’approprier la musique, et prouve de la sorte la puissance de l’enregistrement. Dès lors que la musique est enregistrée, elle devient éternelle et survit, contrairement à l’humain, à l’usure du temps. Les citations de « In Dreams » insérées dans le discours de Frank démontrent également la fonction de circularité de la parole, laquelle traverse les personnages sous une forme identique, mais qui, selon le contexte, peut prendre différentes significations. Elle peut autant signifier la dérive toxicomane de Ben et Franck qu’intervenir dans une situation de discours amoureux homosexuel10.

Dans Blue Velvet, la chanson s’avère polyvalente. Elle n’apparaît pas uniquement sous sa forme préexistante, mais elle est sans cesse reprise et modelée selon les besoins de la narration. Elle participe ainsi à la caractérisation des personnages en leur devenant associée (chanson thème), mais aussi à la compréhension des situations. Cette utilisation correspond en tout point au modèle classique hollywoodien (création d’une atmosphère, identité musicale d’un personnage). Une particularité réside toutefois dans la diégétisation fréquente des leitmotivs musicaux. Parallèlement à cette utilisation intradiégétique, nous pouvons également remarquer que « In Dreams » et « Blue Velvet » servent à construire un discours pseudo-nostalgique. L’univers remémoré par ces chansons renvoie à une époque associée à une Amérique d’avant la guerre du Viêt-nam et des révolutions sociales où le bien-être passe avant tout par le maintien de l’ordre et l’ignorance des problèmes sociaux. Le cinéaste construit et déconstruit ce « rêve américain » afin de montrer une autre facette de cette réalité rêvée.

Dénonciation de l’illusion dans Mulholland Drive

Le saut temporel, né du décalage entre l’époque de la fiction et celle des univers musicaux, est également mis en scène dans Mulholland Drive. Lors de la scène du casting (fig. 3-4) mené par Adam, le spectateur se voit plongé, sans aucun indice préalable, dans un univers des années 1960 connoté par les coiffures, le maquillage, les costumes des chanteurs et surtout par la chanson de Connie Stevens « Sixteen Reasons » (1960)11. Par un zoom arrière, le spectateur découvre rétrospectivement qu’il s’agit d’une mise en scène inhérente à la diégèse. Ce mouvement de caméra est doublement intéressant puisqu’il permet, en outre, une mise à distance de la fiction en dévoilant la machinerie cinématographique (caméras, lieu de tournage et décor). Cette distanciation se poursuit lors de la seconde interprétation de la chanson, puisque cette fois-ci le play-back nous est explicitement révélé. De plus, au travers du regard de l’actrice, tourné non plus face à la caméra, mais dirigé vers un espace de l’écran correspondant à l’emplacement du réalisateur (situé précédemment par le plan général), le spectateur prend conscience que cette scène est jouée pour Adam.

Á l’image de cette séquence, le film dans son ensemble traite du rêve hollywoodien en abordant le star-système, le fonctionnement de l’industrie cinématographique et le traitement des genres filmiques. Michel Chion sous-entend à ce propos que le film est « une peinture auto-satirique du milieu du cinéma à Los Angeles »11. Á cet égard, nous pouvons dire que Lynch joue avec le cinéma, avec ses codes, ses genres, ses procédés, mais aussi avec les attentes du spectateur. Cette utilisation ludique se manifeste ouvertement durant la scène de casting évoquée précédemment. Il y a ici une construction filmique qui, pour représenter un « coup de foudre », se base sur un montage en champ/contrechamp entre un homme (Adam) et une femme (Betty) accompagné de la chanson du second play-back12 dont l’atmosphère est romantique. La mise en place de cette rencontre amoureuse, décodée comme telle par le spectateur, n’aura aucun effet sur la suite du récit. Il semble que Lynch se plaît à jouer avec les attentes du spectateur liées aux codes de la comédie romantique. Le référent de la chanson (« I’ve told every little star / Just how sweet I think you are… Made my heart an open book… » / « J’ai dit à chaque petite étoile combien je pense que tu es doux… J’ai fait de mon cœur un livre ouvert ») contribue à signifier le coup de foudre. Il suffira pourtant d’un grincement de violon en surimpression sonore pour faire basculer cette atmosphère et créer une tension menaçante qui donne lieu au départ de Betty.

Un indice supplémentaire confirme la minutie déployée par Lynch dans sa conception sonore. Dans sa leçon de cinéma publiée dans Studio Magazine, le cinéaste déclare :

« Depuis Blue Velvet, je conçois la plus grande partie du travail sur le son avant le tournage. Je discute du film avec mon ingénieur du son et mon compositeur, et ils enregistrent toutes sortes d’effets sonores et de morceaux de musique que je me passe pendant que je tourne les scènes, soit sur écouteurs – lorsqu’on tourne des dialogues –, soit sur haut-parleurs, pour que toute l’équipe et parfois même les acteurs s’imprègnent de l’atmosphère recherchée. C’est un avantage considérable. C’est un peu comme une boussole qui vous indique constamment la bonne direction à suivre. Je fonctionne de la même façon avec les chansons13. »

L’explication du cinéaste confirme notre intuition première : le son et la musique préexistent bien au film.

Parallèlement, une seconde séquence musicale se déroule lors de l’interprétation de « Llorando »14, chantée a capella par Rebekah del Rio (fig. 5). Betty et Rita se rendent au club « Silencio », mot prononcé par Rita durant son sommeil. Elles assistent à un spectacle-cabaret, dirigé par un homme-orchestre énigmatique, composé d’un solo de trompette, puis de la performance de la chanteuse. La chute de l’interprète nous fait comprendre qu’il s’agissait d’un play-back, ce qui révèle le mécanisme de l’illusion. Le spectateur découvre que ce qu’il croyait être un spectacle « in vivo » n’est en réalité que la diffusion d’une bande-son pré-enregistrée. C’est seulement en se remémorant le début de cette séquence qu’il peut comprendre la portée réflexive de la démarche du réalisateur. Durant cette partie, le présentateur avertit le public, et par répercussion le spectateur, que « tout est un enregistrement » (« It’s all a tape »), puis disparaît du plateau comme par magie, magie du montage cinématographique ! Le dévoilement de l’artifice appartient à la mise en scène, le projecteur continuant d’éclairer et de suivre le corps inanimé de la chanteuse jusqu’à sa sortie de scène. Il y a donc volonté d’afficher un art du faux, celui de l’enregistrement, et, par analogie, celui du cinéma. Par cet emploi du play-back, nous pensons que le réalisateur pose la problématique de la synchronisation cinématographique15. Tout spectateur, par une prédisposition du cerveau humain, lie les sons qu’il entend aux images qu’il voit. Dès lors, malgré les avertissements qui lui sont faits, le spectateur ne pourra s’empêcher de croire en l’interprétation live de la chanteuse, et se verra surpris de constater qu’il s’agissait d’un leurre. La question de la crédulité du spectateur est ainsi posée16. C’est pourquoi, en dehors de sa position centrale dans la fiction (cette chanson coïncide avec le basculement du film dans ce que nous pouvons appeler la « seconde narration »), nous pensons que, à l’image de la boîte bleue, « Llorando » est une des clés de la compréhension du film.

Mulholland Drive, contrairement à Blue Velvet, n’est pas construit sur une logique linéaire. Son récit développe une réflexion sur les mécanismes intrinsèques à sa production. Les chansons participent à cette ambivalence en créant un univers fictionnel tout en dévoilant l’artifice. Cette particularité trouve son illustration la plus pertinente lors de la performance de Rebekah del Rio, révélatrice d’une double tension : la présence réelle d’une chanteuse alliée à son interprétation factice (au niveau du play-back mais pas de l’enregistrement, puisqu’il s’agit bel et bien de sa voix).

Comme dans la chanson analysée précédemment, l’atmosphère qui s’en dégage se répercute sur les personnages. La traduction littérale du titre et du refrain signifie « en pleurant », et thématiquement « Llorando » renvoie à une complainte amoureuse, au triste souvenir d’un amour perdu. Or, durant l’interprétation, il se crée une dialectique forte, accentuée visuellement par les plans rapprochés en champ/contrechamp, entre l’univers de sentimentalité excessive du spectacle et l’émotion suscitée chez les deux personnages féminins. Les pleurs de Rita et Betty prennent le relais des paroles de Rebekah del Rio (n’oublions pas que la seconde partie du film traite de la chute suicidaire d’une jeune femme, Diane, causée par une déception amoureuse). Cependant, cette dialectique cessera avec l’évanouissement et le départ de la chanteuse. L’illusion et sa mise à distance ont parfaitement opéré.

L’analyse de Blue Velvet et de Mulholland Drive démontre que chaque film fait une utilisation spécifique des chansons préexistantes. Dans Blue Velvet, la mise en scène des chansons obéit au principe de l’appropriation de la chanson par un seul personnage (Dorothy) et, corrélativement, à l’impossibilité d’une prise en charge de celle-ci par d’autres personnages (Ben et Franck). Mulholland Drive pose la problématique de « l’appropriation-dissociation » de la musique sur un autre plan. En effet, lors du play-back de Rebekah, plusieurs éléments tendent à induire une véracité de l’interprétation qui est infirmée par la suite. Le play-back de ce second film ne sert pas, comme dans Blue Velvet, à la caractérisation des personnages, mais correspond à un procédé de mise à distance. C’est dans ce sens que nous pouvons parler, pour Mulholland Drive, « d’appropriation-distanciation », puisque c’est par la révélation de la non-appropriation des chansons par les personnages que le spectateur est amené à se distancer de la fiction.

1 Studio Magazine, no 63, juin 1992, cité in Michel Chion, David Lynch, Éditions des Cahiers du Cinéma (Coll. « Auteurs »), Paris, 2001, p. 147.

2 David Lynch, La Revue du cinéma, no 424, février 1987, cité in Michel Chion, op. cit., p. 107. Pour distinguer la chanson du film homonyme, nous recourons aux guillemets pour désigner celle-là.

3 L’arrangement musical de la version blues de Blue Velvet, caractérisé par des rythmes plutôt lents et appuyés, s’oppose à celui de la chanson originale. Les deux facettes du récit sont donc également différenciées musicalement.

4 « Elle s’habillait de velours bleu ».

5 Notons que le terme « blue » en anglais peut définir autant la couleur bleue que le spleen.

6 Dans sa fine analyse du film au travers des couleurs, Youri Deschamps mène la même réflexion concernant la scène liminaire et l’épilogue (Youri Deschamps, Blue Velvet, Editions du Céfal, Liège, 2004, p. 48-51).

7 Michel Chion, David Lynch, Éditions Cahiers du Cinéma (Coll. « Auteurs »), Paris, 2004 [nouvelle édition revue et augmentée], p. 107.

8 Le texte de la chanson comporte des mots qui, dans le contexte du film, semblent se référer au champ sémantique de la drogue : « stardust », « I drift, the magic night », « I softly sway », etc.

9 « In dreams… I walk with you / In dreams… I talk to you / In dreams… You’re mine ».

10 Franck se met du rouge à lèvres et embrasse Jeffrey sur la bouche. De plus, il emploie l’expression métaphorique « lettre d’amour » (« loveletter ») pour désigner une balle de revolver.

11 Michel Chion, op. cit., p. 260.

12 « I’ve Told Every Little Star » (1961), chanson écrite par Oscar Hammerstein II et Jerome Kern et interprétée par Linda Scott.

13 David Lynch, « La leçon de cinéma », Studio Magazine, no 118, janvier 1997, cité in Youri Deschamps, Blue Velvet, op. cit., p. 71-72.

14 Version espagnole de la chanson « Crying » écrite par Roy Orbison et Joe Melson, interprétée par Roy Orbison.

15 Mary Ann Doane, dans son article « The voice in the Cinema : The Articulation of Body and Space » (Yale French Studies, no 60, 1980, p. 35), précise : « Cependant, même lorsqu’un son asynchrone ou ‹ sauvage › est utilisé, l’attribut d’unité du corps fantasmatique n’est pas perdu. […] Ses sens fonctionnent en tandem, la combinaison du son et de l’image est décrite en termes de ‹ totalité › et ‹ d’organique › ».

16 « Ses images ne sont pas simplement transfigurées par les sons et les sensations de la musique, elles réinventent une autre écoute de la musique elle-même : elles détournent sa signification ou complexifient son intention souvent simplement sentimentale jusqu’à ce que cinéma et musique fusionnent » (Chris Rodley, David Lynch, entretiens avec Chris Rodley, Editions des Cahiers du Cinéma, Paris, 2004, p. 100).